Deux nouvelles Étoiles nommées au Ballet de l’Opéra de Bordeaux : Mathilde Froustey et Riku Ota
Le Ballet de l’Opéra de Bordeaux a annoncé ce 4 mai deux nouvelles nominations d’Étoile. D’un côté celle de Riku Ota, jeune danseur talentueux qui a rejoint la compagnie en 2019, en gravissant rapidement les échelons de la hiérarchie. De l’autre, une arrivée plus surprenante : celle de Mathilde Froustey. Sujet au Ballet de l’Opéra de Paris pendant 12 ans mais abonnée aux grands rôles, elle était partie en 2013 pour le San Francisco Ballet au grade de Principal. Après dix ans de carrière aux États-Unis, la voilà de retour en France pour ses dernières années de carrière. Mathilde Froustey et Riku Ota se présenteront pour la première fois en tant qu’Étoile sur la scène du Grand-Théâtre de Bordeaux le 30 juin, pour la première de Don Quichotte de José Martinez.
Depuis la crise du Covid, le Ballet de l’Opéra de Bordeaux n’avait plus de Danseur ou de Danseuse Étoile. Des nominations étaient donc attendues cette saison, chez les danseurs comme chez les danseurs. Mais s’agirait-il de promotion en interne ou d’artistes venant de l’extérieur ? Chez les hommes, la relève semblait être là, avec notamment la présence de Riku Ota, arrivé dans la compagnie en 2019 et très vite mis en avant par Éric Quilleré, le directeur de la troupe. Du côté des danseuses, la question était plus ouverte. Les deux Premières danseuses de la compagnie, Diane Le Floch’ et Vanessa Feuillatte, ont assuré tous les premiers rôles ces dernières années. Mais elles ne semblaient pas forcément être vues comme pouvant aller plus loin par la direction. Et les jeunes talents prometteuses de la compagnie, notamment Anaëlle Mariat, ont encore du chemin à parcourir.
Ce sont finalement ces deux solutions – promotion en interne et talent extérieur – qui ont été choisies. Avec deux nominations d’Étoile annoncées le 4 mai via communiqué et non sur scène, comme cela est pourtant de tradition au Ballet de l’Opéra de Bordeaux. L’une est attendue, l’autre plus surprenante. Commençons par la dernière, avec l’annonce de l’arrivée de Mathilde Froustey au Ballet de l’Opéra de Bordeaux, au grade de Danseuse Étoile. C’est donc un retour en France pour la danseuse française, passée 12 ans à l’Opéra de Paris au grade de Sujet, mais avec de nombreux premiers rôles, avant de partir danser dix ans au San Francisco Ballet au grade de Principal.
Née en 1985 dans les Landes, Mathilde Froustey est passée par l’École Nationale Supérieure de Danse de Marseille, avant d’intégrer l’École de Danse de l’Opéra de Paris en 1999 en troisième division, en tant qu’élève payante. Trois ans plus tard, à 17 ans, elle intègre le Ballet de l’Opéra de Paris, en même temps que Josua Hoffalt, Vincent Chaillet, Émilie Hasboun et Laura Hecquet, avec qui elle aura longtemps un parcours similaire. Dès son entrée dans la compagnie, Mathilde Froustey se fait remarquer, en étant choisie un an plus tard par Iouri Grigorovitch pour danser le rôle principal féminin d’Anastasia dans Ivan le Terrible. Elle passe Coryphée en même temps et reçoit le Prix de l’AROP, danse lors du gala Hommage à Claude Bessy et décroche une médaille à Varna en 2004, monte Sujet en 2005, se fait remarquer par Manuel Legris pour ses tournées au Japon. Elle brille dans les petits rôles des ballets jusqu’à décrocher son premier grand rôle : celui de Lise dans La Fille mal gardée de Frederick Ashton en 2007.
Mais Mathilde Froustey se confronte à un mur : celui du Concours de promotion pour passer Première danseuse. Trop de stress, des blessures parfois, des concours qui n’ont pas lieu, des rancœurs aussi dans le jury. La danseuse n’arrive pas à franchir le cap de soliste. Pourtant, dans les distributions, elle a le droit à des rôles de premier plan, voire le premier rôle : Olympia dans La Dame aux camélias de John Neumeier, Henriette et Clémence dans Raymonda, Clara dans Casse-Noisette et Gamzatti dans La Bayadère de Rudolf Noureev, Olga dans Onéguine de John Cranko, la Ballerine dans Le Concert de Jerome Robbins. Jusqu’au rôle de Kitri, en 2012, dansé quelques jours après un Concours de promotion encore échoué. Dont une date avec François Alu qui reste encore dans les mémoire, annoncée la veille pour le lendemain lors d’une série aux multiples blessures.
Face à ce dilemme, Mathilde Froustey choisit de partir. “Peut-être que je ne peux pas être Étoile à l’Opéra parce que je suis mauvaise en Concours… Je pars plus pour l’envie de faire autre chose. Bien sûr qu’il y a la frustration de ne pas monter, mais derrière cette décision, il y a surtout l’envie de danser“, racontait-elle à DALP avant son départ. En 2013, elle est embauchée au San Francisco Ballet, l’une des plus prestigieuses compagnies américaines, au rang de Principal. Mathilde Froustey y danse pendant dix ans. Elle y interprète tous les grands rôles du répertoire : Giselle, Juliette, Odette/Odile, Aurore, la Fée Dragée, Kitri, Tatiana. Mais aussi la Petite sirène du ballet éponyme de John Neumeier, de nombreuses oeuvres de George Balanchine ou Jerome Robbins, travaille avec les chorégraphes actuelles comme Cathy Marston (le rôle-titre de Mrs. Robinson notamment) ou Alexeï Ratmansky. Elle se marie, s’arrête pour avoir un enfant, revient sur scène après le Covid. Tamara Rojo, la nouvelle directrice de la troupe, la garde dans son effectif. Cependant, ces derniers mois semblaient flous pour la Ballerine. Après de nombreux mois en France cette saison, elle était rentrée à San Francisco où elle s’entraînait, mais n’était plus distribuée. À bientôt 38 ans, Mathilde Froustey fait finalement le choix de rentrer en France pour un dernier changement de carrière, plus proche aussi de sa famille qui est restée dans les Landes. Au Ballet de l’Opéra de Bordeaux, elle sera la reine, la seule Étoile avec une grande expérience internationale. De quoi briller et s’assurer les premiers rôles, aussi de motiver les plus jeunes de la troupe, comme d’amener une nouvelle médiation à la compagnie, qui en manque parfois un peu malgré la belle qualité générale de ses effectifs.
La promotion au rang d’Étoile du Ballet de l’Opéra de Bordeaux de Riku Ota était pour sa part plus attendue. Né au Japon, il se forme dans son pays avant de rejoindre la John Cranko Schule de Stuttgart à l’adolescence. En 2017, il est finaliste du Prix de Lausanne, puis rejoint en septembre le Ballet de l’OnR (Ballet du Rhin), où il danse dans Jeune homme d’Uwe Scholz, Le Lac des cygnes (Le Prince) de Radhouane El Meddeb ou Black Milk de Ohad Naharin. Désireux d’un répertoire plus classique, Riku Ota quitte l’Alsace deux ans plus tard pour le Ballet de l’Opéra de Bordeaux. Éric Quilleré lui accorde tout de suite sa confiance, malgré des blessures qui l’éloignent parfois longtemps de la scène. Un an après son arrivée dans la compagnie, le danseur est nommé directement Premier danseur, sans passer par la case Soliste, à l’issue de la soirée Peck/Robbins qui peut être donnée entre deux confinements. Riku Ota danse ensuite les rôles principaux de la programmation : Obsidian Tear de Wayne McGregor, Cacti d’Alexander Ekman, Cendrillon (le Prince) de David Bintley, le Pas de deux de Diane et Actéon, Woke up Blind de Marco Goecke, Sad Case de Sol León et Paul Lightfoot. Il participe aussi aux créations Mythologies d’Angelin Preljocaj et Skywatcher de Houston Thomas.
À 24 ans, Riku Ota a donc le droit à une nomination rapide, même s’il a encore peu d’expérience des grands rôles du répertoire, et parfois de blessures qui le privent de certaines opportunités. Mais il a le talent et le charisme d’un grand danseur, une certaine puissance. Éric Quilleré fait avec lui le pari de l’avenir et d’une nouvelle dynamique au Ballet de l’Opéra de Bordeaux. Quant au danseur, il a devant lui un bel avenir où il a tout pour briller.
Mathilde Froustey et Riku Ota feront leurs premiers pas en tant que Danseuse et Danseur Étoile du Ballet de l’Opéra de Bordeaux le 30 juin, lors de la première de Don Quichotte de José Martinez (entrée au répertoire) au Grand-Théâtre de Bordeaux.