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[Photos] L’Histoire de Manon de Kenneth MacMillan par le Ballet de l’Opéra de Paris (reprise 2023)

Le Ballet de l’Opéra de Paris a terminé sa saison 2023-2023 avec Signes à l’Opéra Bastille, et une reprise de L’Histoire de Manon de Kenneth MacMillan au Palais Garnier. Une longue série, qui a vu se succéder sept couples principaux, dont la plupart s’y lançaient pour la première fois, ainsi qu’une multitudes de secondes rôles passionnants. Retour en images sur toutes les distributions, et retour en mots sur quelques cast que l’équipe de DALP a pu voir. 

 

Diapo-photos des différentes distributions de L’Histoire de Manon de Kenneth MacMillan :

Ils ne devaient danser que deux dates sur L’Histoire de Manon. José Martinez leur avait concocté un retour en douceur. Léonore Baulac avait déjà montré qu’elle était prête à remonter sur scène en créant The Dante Project et Mathias Heymann avait ravi dans son retour trop longtemps retardé, brillant sur la table du Boléro. Ce couple inédit a formidablement embrassé cette double prise de rôle à tel point qu’ils ont joué les remplaçants pour deux représentations supplémentaires. L’une et l’autre se sont montrées en pleine possession de leurs moyens. L’Histoire de Manon ne regorge pas de grandes difficultés techniques mais exige un partenariat d’excellence pour les pas de deux et de grandes qualités dramatiques. Léonore Baulac parut très à l’aise dans le rôle-titre : mutine à souhait dans le premier acte où elle campe toute l’insouciance du personnage jusqu’à la rencontre avec le Chevalier des Grieux. Mathias Heymann, danseur lyrique exceptionnel offre dès sa première variation une danse ample, se moulant parfaitement dans l’esthétique alambiquée de Kenneth MacMillan. Ses arabesques sont splendides et les deux Étoiles jouent à merveille le coup de foudre.

Le deuxième acte, celui où l’action pivote est le plus exigeant pour la danseuse qui incarne Manon. C’est là que le personnage bascule et montre différentes facettes psychologiques. Si Léonore Baulac a paru parfois hésiter sur un parti-pris dramatique lors de cette première représentation, elle s’affirme à mesure que l’histoire avance et elle délivre une variation sans faute et avec toute la fluidité requise. Variation redoutable à plus d’un titre. Car il ne s’agit pas de danse pure, mais durant ces quatre minutes, le personnage de Manon doit exprimer la gamme de ses émotions contraires entre la tentation de l’argent et l’amour pour Des Grieux. Léonore Baulac nous emmène dans les contradictions du personnage. Mathias Heymann est un soliste exceptionnel mais il démontre dans cette prise de rôle qu’il peut aussi être un remarquable partenaire : Léonore Baulac était en toute confiance dans les portés complexes et sophistiqués et dans les prises de risque insensées de l’acte final. L’un et l’autre ont réalisé avec brio l’ultime pas de deux de la mort de Manon, sans excès de pathos. Il y manquait encore une pointe d’implication dramatique pour totalement nous emporter mais le couple dégage une belle émotion.

Représentation du 23 juin.

Jean-Frédéric Saumont

 

Depuis leur première association sur ce même ballet, en 2015, le duo Dorothée Gilbert et Hugo Marchand n’a eu de cesse de gagner en alchimie. Quel plaisir de les voir feindre d’ignorer tout l’un de l’autre alors qu’ils se connaissent si bien ! Les pas de deux complexes de Kenneth MacMillan demandent non seulement d’être de solides techniciens, mais aussi un lâcher-prise et une confiance absolue entre les deux partenaires. Les deux Étoiles cochent toutes les cases. Elles parviennent aussi à naviguer entre les émotions pour donner un magnifique relief à leurs personnages. En trois actes, ces deux-là passent par tant de nuances ! D’ingénue à vénale, de reine du bal éblouissante à prostituée déchue, Dorothée Gilbert sait jouer sur tous les registres avec brio. Rien ne lui fait peur. Ayant gagné en maturité artistique depuis sa prise de rôle en 2015, Hugo Marchand a su restituer les tourments d’un jeune homme follement épris et fidèle à cette coquette qui ne le ménage pas. Ses errements au deuxième acte sont bouleversants. Sa haute stature un peu voûtée par le désespoir de voir Manon s’égarer avec d’autres hommes exprime autant que ses divines arabesques du premier pas de deux de la rencontre. Jusqu’au bout, il soutient sa Manon avec une loyauté qui l’honore et sa danse respire cette prévenance dans chacun des portés.

À côté, l’autre couple attendu, Lescaut et sa maîtresse, a confirmé combien Pablo Legasa et Roxane Stojanov sont deux valeurs sûres de la compagnie. Lui, hâbleur et enjôleur, a bien saisi les nuances d’un rôle assez vil. Dans la scène d’ébriété, il excelle et emporte le public avec lui. Avec une belle technique, Roxane Stojanov (qui a enchaîné les rôles avec beaucoup de cran durant cette saison 2022-2023) campe une femme séductrice, mais comme résignée face aux comportements masculins.

Représentation du 4 juillet.

Claudine Colozzi

 

Ils n’ont eu que la journée pour répéter. Sae Eun Park a déjà dansé plusieurs représentations de L’Histoire de Manon avec Paul Marque. Marc Moreau avait lui commencé les répétitions avec Laura Hecquet, avant finalement de travailler avec Ludmila Pagliero. Mais la veille, l’Étoile renonce à cause d’un genou récalcitrant. Sae Eun Park et Marc Moreau sont donc associés au dernier moment. Un exercice périlleux pour un ballet qui repose sur ces pas de deux acrobatiques et dramatiques, demandant une confiance absolue dans la technique de l’autre comme une forte complicité dramatique. Et sur scène, impossible de deviner que les deux artistes n’avaient eu que quelques heures pour s’accorder. Tout est d’une merveilleuse fluidité, sans aucun accroc, avec une grande sincérité dans le jeu et beaucoup d’engagement.

Marc Moreau est ainsi un Des Grieux irréprochable, avec une belle tension dramatique montant au fil des actes. Le danseur paraissait cependant un peu en retrait, parfois discret, plus soucieux (et cela se comprend) d’assurer les difficiles portés et de mettre en avant sa partenaire. Et quelle partenaire ! Sae Eun Park ne cesse décidément d’étonner. L’on connaît son immense virtuosité – elle est aujourd’hui la meilleure technicienne de la compagnie – qui fait des merveilles dans les ballets classiques. Ici, elle met toute sa technique au service de la dramaturgie, des vicissitudes du personnage. Si son visage reste dans une certaine réserve, c’est tout son corps qui exprime les émotions, toute sa technique qui se met au service de l’action. Son brio sert la jeune fille lumineuse du premier acte, ses longs bras onduleux montrent ses hésitations du deuxième, son dos ployé montre tout le désespoir du troisième. Sae Eun Park découvre ainsi son potentiel formidable de tragédienne. Et l’on ne peut quitter des yeux sa vibrante Manon. Aux côtés du couple principal, Francesco Mura campe un Lescaut hâbleur, un peu méprisant, très investi dans le jeu. Silvia Saint-Martin montre une fois de plus le travail si soigné de sa danse dans de belles variations de caractère, même si elle reste encore timide dans le jeu quand il ne s’agit pas de danser.

J’ai pu voir trois dates de cette série, Myriam Ould-Braham et Mathieu Ganio, Sae Eun Park et Marc Moreau ainsi que Léonore Baulac et Mathias Heymann – je ne partage pas tout à fait mon collègue Jean-Frédéric sur la complicité du duo, même si je le rejoins sur le formidable deuxième acte de Léonore Baulac. Sur l’ensemble des représentations, les rôles de Lescaut et sa Maîtresse ont peut-être un peu souffert de distributions encore un peu vertes. J’ai pu voir lors de précédentes séries des Lescaut par des Étoiles ayant de la bouteille (sans mauvais jeu de mots) comme Stéphane Bullion, ou François Alu avec son exceptionnel engagement dramatique. Il est un peu difficile de passer après. Antoine Kirscher, Andréa Sarri et Francesco Mura ont tous montré beaucoup d’investissement, chacun à leur manière dans le personnage – l’un plus méchant, l’autre plus canaille, le troisième hautain. Mais la variation ivre du deuxième acte manquait encore de métier. Un mot enfin pour l’une des révélations théâtrales de cette série : Léo de Busserolles, formidable en Monsieur de G.M. Discret jusqu’à présent dans les distributions, il trouve ici une nouvelle dimension et prend toute la place, dès qu’il entre en scène, montrant par quelques coups de mouchoirs tout le mépris du personnage. Associé à Katherine Higgins en Madame, ils donnent ensemble tout le relief du deuxième acte.

Représentations du 29 juin, 9 et 11 juillet.

Amélie Bertrand

 



Commentaires (2)

  • Lili

    C’est sans doute la qualité théâtrale du ballet qui le permet, mais cette série de photos est d’une beauté et d’une force exceptionnelles. Merci.

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    • Amélie Bertrand

      Merci aux photographes 😉

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