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[Sortie ciné] La beauté du geste de Xavier de Lauzanne

Un an après sa sortie au Cambodge, sous le titre Tep Hattha (Les Mains célestes), La Beauté du geste de Xavier de Lauzanne sort sur les écrans français. Si les jeunes Cambodgiens se sont déclarés “touchés et émus de découvrir leur propre histoire à travers celle d’une forme artistique à la fois familière et finalement méconnue“, c’est que ce documentaire met en lumière un élément majeur du patrimoine cambodgien. Invitation à découvrir la beauté et la richesse de la danse classique khmère, ce long-métrage célèbre la force de tout un peuple. Il rappelle combien l’art se révèle d’une nécessité absolue dans un processus de reconstruction identitaire.

 

La beauté du geste de Xavier de Lauzanne

 

En 1906, le roi Sisowath est invité par la France avec le Ballet Royal du Cambodge à l’Exposition coloniale de Marseille. Les danses qui sont montrées captivent le public français. Cet échange culturel conduit les danseuses jusqu’à Paris pour des représentations exceptionnelles à l’Élysée et au Pré-Catelan. Parmi les spectateurs et spectatrices figure l’artiste Auguste Rodin. Tombant sous le charme de cette danse, le sculpteur décide de réaliser des croquis (150 aquarelles au total) pour saisir la beauté et la poésie de cette gestuelle si éloignée de la tradition occidentale. Sa fascination est immédiate et sa tentation de percer le sensuel mystère, totale. Ces œuvres conservées au musée Rodin constituent un témoignage exceptionnel. Je les ai contemplées en extase (…). Quand elles partirent, je fus dans l’ombre et le froid, je crus qu’elles emportaient la beauté du monde”, écrira l’artiste.

Plus de cent ans plus tard, la danse khmer continue de fasciner. Le Ballet royal du Cambodge est d’ailleurs officiellement inscrit depuis 2008 sur la Liste Représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO, une manière de préserver ces gestes ancestraux. Et ce documentaire La beauté du geste de Xavier de Lauzanne nous plonge dans l’histoire du Ballet Royal Cambodgien et de la danse apsara, une danse traditionnelle khmère.

Avec comme fil conducteur, la création du spectacle intitulé Métamorphoses, suivie de ses représentations en France (il a été présenté à la Philharmonie de Paris en 2018) et en Suisse, ce film offre un voyage dans le temps, témoin des moments les plus sombres de l’histoire du pays. Xavier de Lauzanne mêle des images d’archives (comme les toutes premières images de cinéma tournées par Gabriel Veyre, un opérateur des frères Lumière, en 1899) et des témoignages de différents artistes, notamment la princesse Norodom Buppha Devi, Danseuse Étoile et maîtresse de ballet. Il met en lumière l’engagement de cette figure majeure des arts et de la culture cambodgienne décédée le 18 novembre 2019 à l’âge de 76 ans, en plein tournage. La Beauté du geste lui rend hommage en relayant son ultime travail de création inspiré des gestes immortalisés par Rodin.

 

La beauté du geste de Xavier de Lauzanne

 

Le titre cambodgien “Tep Hatta”, signifiant “Les mains célestes”, met en valeur la dimension spirituelle de la danse du Ballet royal, les danseuses étant le point de rencontre entre le ciel et la terre. Ce film a été conçu comme un trait d’union entre la culture cambodgienne et occidentale, tout en cherchant à éclairer la dimension universelle de cet art ancestral. Les moments passionnants résident dans le décryptage de ces gestes, leur technicité, leur signification, leur poésie. Le corps est assimilé à un arbre plongeant ses racines dans la terre tandis que la tête cherche l’énergie du ciel. Les mains jusqu’au bout des doigts en extension racontent tant de choses. Ces mouvements stylisés et précis délivrent mille messages auréolés de mystère. Tandis que les visages autrefois fardés de blanc restent imperméables à toute émotion. C’est le seul bémol que le film suscite : on aimerait plonger encore davantage au cœur de cette gestuelle si énigmatique, les témoignages prenant le pas sur les passages dansés.

La Beauté du geste est au final un hymne à l’art, notamment la danse. L’histoire récente du Cambodge a montré combien la culture est essentielle au processus de reconstruction d’un pays après la guerre. Là réside la force de ce documentaire qui montre des êtres traumatisés sauvés par la volonté de préserver leur identité culturelle. Rescapé des tragédies qui ont bouleversé l’histoire de ce pays (90 % des artistes ont été exécutés par les Khmers rouges), le Ballet royal cambodgien affronte son passé avec fierté et grâce.

 

La beauté du geste de Xavier de Lauzanne

 

La beauté du geste de Xavier de Lauzanne – 1h26 – En salles le 13 mars 2024.

 

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