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La Fille mal gardée de Frederick Ashton par le Ballet de l’Opéra de Paris (reprise 2024) – Qui voir danser sur scène ?

Pendant un temps très souvent programmé, La Fille mal gardée de Frederick Ashton a fait une petite pause dans les saisons de l’Opéra de Paris. Et cette reprise du 14 mars au 1er avril 2024 au Palais Garnier intervient ainsi six ans après sa dernière représentation. Le temps de laisser une nouvelle génération s’emparer de ces jolis rôles – deux rôles d’Étoiles bien plus challengeants qu’il n’y paraît et deux passionnants rôles de caractère. Née en France, La Fille mal gardée a trouvé un nouveau souffle en 1959 en Angleterre, au Royal Ballet, avec cette production de Frederick Ashton arrivée à l’Opéra de Paris en 2007. L’ambiance y est champêtre mais jamais gnangnan, mélange d’une vraie tendresse entre les personnages et d’un humour anglais savoureux. Qu’on ne s’y trompe pas ainsi : les vraies stars de ce ballet, c’est le cheval (celui de cette reprise s’appellerait tout simplement Petit Poney) et les poulettes géantes. Un ensemble qui permet à cette œuvre d’être vue par un très large public, des plus jeunes de 5-6 ans s’initiant au spectacle vivant aux Balletomanes chevronnés, tant ce ballet recèle de petites merveilles.

À Londres, sa Maison, La Fille mal gardée est ainsi dansé par toutes les Étoiles jusqu’à la fin de leur carrière – Carlos Acosta l’a ainsi dansé pendant 20 ans. À Paris, ce ballet a dès sa première série été boudé par les Étoiles, le considérant peut-être, à tort, comme trop simple ou trop gentillet. Pourtant, certaines y ont trouvé l’un de leurs plus beaux rôles : Myriam Ould-Braham, Josua Hoffalt, Alice Renavand qui, exception, l’a abordé en fin de carrière avec beaucoup de joie. Cette reprise ne déroge pas à la règle – la programmation de Don Quichotte en même temps n’aide pas. Voilà qui est dommage, même si cela permet à plusieurs jeunes talents d’avoir une très belle opportunité de premiers rôles… Et à une invitation de luxe de dernière minute. Les deux personnages de caractère, Mère Simone et Alain, ont par contre un meilleur équilibre. La première est dansée par un homme, maman poule surprotectrice et drolatique, mais aimant profondément sa fille. Le deuxième, au premier abord l’idiot du village, est celui par qui arrive la poésie et la rêverie. Deux rôles pas simples à aborder, donnant de belles occasions à des talents de toutes les générations de montrer autre chose. Cela donne au final de séduisantes distributions, donnant envie d’y revenir malgré une série très ramassée.

 

La distribution étoilée

Léonore Baulac (Lise), Guillaume Diop (Colas), Simon Valastro (Mère Simone) et Antoine Kirscher (Alain) : les 15, 18 et 21 mars

Un seul couple d’Étoiles pour cette série de La Fille mal gardée, mais un couple séduisant. Léonore Baulac s’est emparée de ce rôle lors de la dernière reprise, elle y met tout son charme et son talent comique – qu’on ne lui soupçonnait pas forcément – pour une Lise auquel il est difficile de résister. Pour Guillaume Diop, ce sera une prise de rôle, mais le danseur n’aura pas à trop forcer pour entrer dans la peau de Colas, jeune homme facétieux demandant une belle technique. Le duo danse régulièrement ensemble, mais on ne les a jamais vus dans ce type de ballet, et cela fait plutôt envie. L’on retrouve en Mère Simone Simon Valastro. Sujet parti il y a quelques années, il avait tenu le rôle avec panache en 2018 et le reprend en tant qu’artiste invité. Enfin Antoine Kirscher reprend le rôle qu’il avait inauguré il y a bientôt dix ans avec beaucoup d’émotion. Devenu Premier danseur entre temps, il a encore du mal à avoir régulièrement de beaux rôles de soliste. Alain en est une occasion, avant d’avoir droit à quelques dates sur le rôle principal. Voilà donc un quatuor expérimenté et sûr, qui devrait ouvrir en beauté la série. 

 

La Fille mal gardée de Frederick Ashton – Léonore Baulac et Simon Valastro en répétition

 

La distribution Invitation de luxe

Bleuenn Battistoni (Lise), Marcelino Sambé (Colas), Hugo Vigliotti (Mère Simone) et Andréa Sarri (Alain) : les 24, 26 et 31 mars

Le manque de solistes masculin à l’Opéra de Paris a de ces avantages qu’il faut parfois aller chercher ailleurs. Et cela donne la belle invitation de Marcelino Sambé, l’un des Danseurs Étoiles emblématiques de la jeune génération au Royal Ballet. S’il n’a plus dansé La Fille mal gardée depuis 2016, Frederick Ashton reste au cœur de son répertoire quotidien. Une invitation, donc, à ne pas manquer ! Et un partenaire de luxe pour Bleuenn Battistoni, qui après de nombreux seconds rôles épatants, se voit enfin avoir la chance d’avoir le rôle-titre. On connaît sa fraîcheur technique, son naturel en scène, son jeu d’actrice performant : elle a tout pour être une Lise délicieuse. À ne pas manquer aussi : Hugo Vigliotti qui étrenne les sabots de la Mère Simone. Magnifique danseur de caractère et acteur-né, les années Aurélie Dupont n’ont pas forcément été fastueuses pour lui. Il retrouve enfin un rôle à la hauteur de son talent. Enfin Andréa Sarri, qui là encore a beaucoup marqué dans des seconds rôles dernièrement, a avec Alain une belle chance de montrer ses talents d’interprète. Au final, un cast avec de fortes personnalités.

 

La Fille mal gardée de Frederick Ashton – Bleuenn Battistoni en répétition

 

Les distributions Jeunes talents

Marine Ganio (Lise), Jack Gasztowtt (Colas), Hugo Vigliotti (Mère Simone) et Aurélien Gay (Alain) : les 14, 16 et 19 mars

Clara Mousseigne (Lise), Antonio Conforti (Colas), Florimond Lorieux (Mère Simone) et Andréa Sarri (Alain) : les 20 et 27 mars

Hortense Millet-Maurin (Lise) Antoine Kirscher (Colas), Simon Valastro (Mère Simone) et Théo Ghilbert (Alain) : le 25 mars

Clara Mousseigne et Hortense Millet-Maurin ne se ressemblent pas forcément en tant que ballerine. Mais elles ont pour point commun un début de carrière stratosphérique, avec une montée dans la hiérarchie ultra-rapide et des Concours de promotion où elles ont su marquer les esprits. Lise sera leur premier grand rôle – leur premier rôle tout court. Cela montre que José Martinez n’a pas envie de faire attendre les talents qui le méritent… Et que chacun-e a sa chance, à l’image de Marine Ganio, Sujet expérimentée, qui après Clara a de nouveau la chance d’un premier rôle (elle avait dansé Lise en 2015). L’on suit aussi Jack Gasztowtt, qui se remarque en scène. Le danseur a eu quelques seconds rôles, parfois réussis (Rothbart), parfois ratés par le stress. Il a là une chance de montrer une nouvelle maturité. Et quel plaisir de voir le talentueux Antonio Conforti, longtemps bloqué dans la hiérarchie là encore faute au stress, qui a là son premier grand rôle après 12 ans dans la compagnie. L’on guettera aussi Florimond Lorieux à contre emploi en Mère Simone, qui a tout pour surprendre. Ainsi qu’Aurélien Gay en Alain. Ce dernier a toujours su marquer dans des petits rôles (l’esclave dans La Bayadère, Le Chef des Brigands dans L’Histoire de Manon). Il a là l’opportunité d’un rôle plus consistant artistiquement. Il y a donc beaucoup de belles promesses dans ces trois distributions. Et à tous les niveaux de générations.

 

La Fille mal gardée de Frederick Ashton – Marine Ganio et Jack Gasztowtt en répétition

 

La distribution Nostalgie, et tout feu tout flamme

Éléonore Guérineau (Lise), Mathias Heymann (Colas), Cyril Mitilian (Mère Simone) et Théo Ghilbert (Alain) : le 30 mars et le 1er avril

EDIT – Mathias Heymann, blessé, est remplacé par Antoine Kirscher

Les anciens et anciennes se souviennent que Éléonore Guérineau et Mathias Heymann font partie de la même génération à l’École de Danse, entrés à un an d’écart dans la compagnie. Puis leur carrière ont pris des chemins différents. Mais quel plaisir, presque 20 ans plus tard, de les retrouver ensemble ! Éléonore Guérineau est une Lise exultante, si heureuse, si facétieuse. Mathias Heymann est un Colas tout en charme et empathie. Les deux ensemble, cela ne peut faire que des étincelles ! En toute subjective, et parce que nous avons tant d’affection pour ces deux artistes : s’il ne fallait voir qu’une seule distribution, ce serait peut-être celle-là. On salue aussi la prise de rôle de Cyril Mitilian en Mère Simone, joli cadeau avant une retraite prochaine. Et au milieu le petit jeune arrivé en 2021,Théo Ghilbert, que l’on a beaucoup vu dans des œuvres plus contemporaines, en Alain.

 

La Fille mal gardée de Frederick Ashton – Éléonore Guérineau et Mathias Heymann en répétition

 

La Fille mal gardée de Frederick Ashton par le Ballet de l’Opéra de Paris – Du 14 mars au 1er avril au Palais Garnier.

 

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Commentaires (3)

  • Armelle

    C’est avec intérêt et grand plaisir que je lis vos chronique.
    MERCI

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  • Cha

    Très jolies prise de rôle pour Clara Mousseigne et Antonio Conforti. Probablement un peu de stress, il faut un peu se régler avec Florimond Lorieux/Mère Simone et Andrea Sarri a encore un peu de mal à cacher sa technique éclatante pour camper le Alain parfait (mais on s’en approche). Mais cette soirée était d’une grande douceur et pleine d’une jolie complicité. Ils ont décidé de se mettre du côté premier degré et de mettre en avant les sentiments des protagonistes plutôt que humour et ça marche bien. Je pense que leur 3e spectacle sera très beau!

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