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La ciudad de los otros de Rafael Palacios – Sankofa Danzafro

La compagnie colombienne Sankofa Danzafro est de passage en France, avec La Ciudad de los otros de son fondateur et directeur Rafael Palacios. Créée en 2010 pour la commémoration de l’abolition de l’esclavage en Colombie, la pièce mixe danse traditionnelle et hip hop, musique ancestrale et sons électro, pour mêler passé et présent d’un pays en pleine ébullition. Les douze interprètes virtuoses et enflammés, tous et toutes afro-colombiens, portent la voix d’une histoire douloureuse, comme celle d’une jeune génération résolument tournée vers l’avenir.

 

La Ciudad de los otros de Rafael Palacios – Sankofa Danzafro

 

En Colombie vit une forte communauté noire, la deuxième d’Amérique latine après celle du Brésil. Une communauté issue des années d’esclavage, aboli en 1851. C’est de cette population Afro-colombienne que vient le chorégraphe Rafael Palacios. Danseur en Afrique ou en Europe, il fonde dans son pays en 1997 la compagnie Sankofa Danzafro, pour mettre en avant l’importance du legs africain dans la construction de la Colombie et faire entendre toutes les voix. “Sankofa” signifie d’ailleurs “Retour à la racine”. Et la troupe affiche comme mission de danser pour être entendu, plutôt que pour être vu. La revendication, le regard clair sur l’histoire sont ainsi assumés par cette compagnie pleine de fougue. Mais les pièces de Rafael Palacios ne font pas toutefois qu’examiner le passé. Au contraire, il mêle à toutes ses réflexions la jeunesse de ses interprètes, danseurs et danseuses bien ancrées dans le XXIe siècle. C’est la force et le socle de Sankofa Danzafro : des artistes afro-colombiens d’aujourd’hui s’interrogeant sur leurs racines, ce qu’elles pèsent et ce qu’elles apportent à l’ensemble de la communauté. Créée en 2010 pour la commémoration de l’abolition de l’esclavage en Colombie, la pièce La Ciudad de los otros, en tournée en France en ce printemps, en est un bon exemple.

Le plateau s’ouvre ainsi sur douze danseuses et danseurs noirs, avec la grande envie de faire la fête, habillés dans la tenue type du jeune cadre supérieure dynamique : chemise blanche, pantalons à pinces et cravate. L’on est dans un bar d’une grande capitale mondiale, où les jeunes travailleurs et travailleuses relâchent la pression dans la danse et les rencontres après une journée intense. Chacun y va de son numéro, comme une façon pour nous, public, de faire connaissance avec eux. Chaque artiste en scène est d’une formidable énergie, à la danse intense et brûlante, et tous porteurs d’une forte personnalité. Néanmoins, je commence à craindre au bout de quelques minutes que cette pièce ne tombe dans le travers des créations d’aujourd’hui : tout miser sur l’énergie en oubliant le propos et l’écriture chorégraphique.

Erreur ! Après cette introduction un peu trop longue, Rafael Palacios nous emmène tout doucement, mais irrémédiablement ailleurs. Un percussionniste se met à jouer, coupant court à la bande-son. Et petit à petit, les interprètes, tout en restant en chemise-cravate, semblent se transformer. Peut-être deviennent-ils leurs ancêtres, les voix du passé de leur pays. Avec des effets de lumière simples mais efficaces, Rafael Palacios semble comme nous tracer des saynètes, des moments de vie surgissant de loin. L’on y devine la dureté, la souffrance, l’interrogation, la soif de vivre, la poésie. Puis, imperceptiblement, le temps présent revient. Les danses traditionnelles afro-colombiennes dominant au début se mêlent de plus en plus de hip hop, de capoeira ou de danse contemporaine, un mix symbolique de Rafael Palacios. La musique traditionnelle se mélange de sons électro, qui deviennent prédominants en fin de spectacle. Nous ne sommes pas de retour dans le bar du début non plus. Mais la boucle semble être bouclée pour ces douze danseurs et danseuses, à l’énergie fulgurante et regardant vers l’avenir.

 

La Ciudad de los otros de Rafael Palacios – Sankofa Danzafro

 

La culture afro-colombienne est bien loin de nos références européennes. Rafael Palacios réussit toutefois à nous la faire partager, à nous la faire sentir vivante et nous interpeller sur un passé complexe et souvent douloureux. La puissance de cette danse aux multiples métissages et le percutant des formidables interprètes font le reste pour une jolie découverte.

 

La Ciudad de los otros de Rafael Palacios par la compagnie Sankofa Danzafro, avec Yndira Perea, Camilo Perlaza, Vanesa Mosquera, Diego de los Ríos, Piter Angulo Moreno, Liliana Hurtado, Armando Viveros, Catalina Mosquera, Estayler Osorio, Andrés Mosquera, Maryeris Mosquera et Andrea Bonilla, Gregg Anderson Hudson, Jose Luna Coha et Feliciano blandòn (musique). Jeudi 14 mars 2024 à la Maison de la Danse de Lyon. À voir du 20 au 29 mars au Théâtre des Abbesses à Paris, puis les 5 et 6 avril au Pavillon Noir d’Aix-en-Provence.

 

 

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