[Sortie ciné] Anna Halprin et Rodin – Voyage vers la sensualité de Ruedi Gerber
La semaine est décidément riche en sortie cinéma sur la danse. Avec La Danseuse sur la vie de Loïe Fuller, place à un tout autre genre : le documentaire Anna Halprin et Rodin – Voyage vers la sensualité de Ruedi Gerber. Chorégraphe et danseuse de plus de 90 ans, vivant dans une grande maison perdue dans la nature californienne au bord de l’océan, Anna Halprin aime la danse libre. Le film suit son nouveau projet, inspiré des sculptures de Rodin, sorte de happening interprété par une dizaine de danseurs et danseurs – amateur.rice.s ou professionnel.le.s – entièrement nu.e.s dans cette nature restée sauvage. Un documentaire unique en son genre, un peu perché et absolument sincère, à l’image d’Anna Halprin.
Créatrice fondamentale dans la danse américaine, Anna Halprin reste assez inconnue en France. Un premier documentaire déjà réalisé par Ruedi Gerber et sorti en 2012 – Anna Halprin, le souffle de la danse – a permis de se familiariser avec son travail. La chorégraphe explore la recherche du mouvement libre – aucun pas n’est imposé – qui s’accompagne d’une grande recherche physique. Cette liberté se trouve dans la structure, dans l’anatomie, la recherche du centre. “Pour elle, le centre du corps est un point rouge, au milieu d’une ligne qui va du nombril au coccyx. Elle travaille souvent sur ça, pour intégrer les polarités“, expliquait Ruedi Gerber sur Danses avec la plume, lors de la sortie de ce premier documentaire. Ce film permettait aussi de découvrir le lieu merveilleux de travail d’Anna Halprin : une maison de bois entre forêt et océan, une scène en plein air, une ambiance hippie et d’une grande convivialité, qui fait que l’on a très vite envie de poser ses valises là-bas.
Anna Halprin et Rodin – Voyage vers la sensualité se déroule bien entendu dans cette maison. La chorégraphe initie des ateliers avec une dizaine de danseurs et danseuses autour des sculptures de Rodin, qui la fascinent particulièrement. Comment recrée par le corps des statues figées ? Comment leur redonner du mouvement ? Comment trouver le cheminement du corps qui a donné lieu à cette position exacte ? Chaque interprète fait sa propre recherche, parfois seul.e., parfois en duo comme pour le travail autour de la si sensuelle sculpture Le Baiser. Les habits tombent petit à petit, le corps est à nu, les esprits aussi. Anna Halprin guide chacun.e avec un regard bienveillant, apportant des pistes de réflexion plutôt que des gestes à faire.
Le documentaire se termine avec l’aboutissement du travail, une séance en public (et toujours dans le jardin de la maison) qui clôt ces semaines de travail et de réflexion. Le public se pose dans le jardin, se balade et assiste aux performances des danseurs et danseuses, entièrement nu.e.s, retravaillant l’oeuvre de Rodin par leur propre corps. Un moment à vrai dire très étrange, car unique en son genre. Un moment aussi totalement sincère, sans fausse pudeur et sans chichi, et filmé avec le plus grand amour de la danse.