ÉtudiAnse Op3 – CNSMDP
Les élèves d’ÉtudiAnse (exJunior Ballet) du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris (CNSMDP) étaient sur scène début décembre. Le programme allait de George Balanchine à Trisha Brown, ainsi que deux créations de danseurs du Ballet de l’Opéra de Paris. L’ensemble était éclectique – mettant aussi bien en valeur les élèves de danse classique et contemporaine -, et réussi – le niveau est bien là. Quel dommage ainsi que le Junior Ballet en soi n’existe plus. Voilà un programme parfait pour partir en tournée.
Difficile pourtant de commencer avec des extraits de ballets de George Balanchine. Les oeuvres de ce chorégraphe demandent non seulement une solide technique, mais aussi un style, un savoir-faire, pas forcément acquis pour des jeunes en fin de formation (le cycle ÉtudiAnse correspond à l’insertion professionnelle des jeunes danseur.se.s). L’extrait de The Four Temperaments est ainsi un peu laborieux. La technique est globalement là et les élèves ont l’envie de bien faire, mais il manque de l’assurance, ce petit truc en plus. Le passage était surtout composé de pas de deux pas évidents, un ensemble un peu en “work in progress”.
L’extrait suivant, Agon, s’avéra bien plus réussi, pourtant loin d’être évident non plus. Les trois élèves semblaient très à l’aise dans le néo-classique de George Balanchine, avec ses positions très classiques mêlées de pieds flex et de poignets cassés, toujours soulignés par une forte musicalité. Les deux ballerines assurèrent avec piquant leur duo, mais c’est surtout le soliste masculin qui se fit remarquer, avec une aisance en scène et un brio qui ont fait mouche.
Place ensuite aux étudiant.e.s de danse contemporaine avec Set and Reset/Reset de Trisha Brown, une oeuvre datante de 1983. Difficile forcément de demander à de jeunes adultes de posséder entièrement la façon de danser de la chorégraphe américaine. Les élèves s’emparèrent néanmoins avec enthousiasme de cette pièce demandant beaucoup d’écoute des autres. Chacun.e trouve sa place en scène, sait exister avec le groupe. Groupe mené par un danseur, qui semblait comme être le leader naturel. Puissance en scène, charisme, il sait déjà où est sa place en tant qu’artiste.
Le programme comprenait aussi des créations de Sébastien Bertaud et Simon Valastro. Ces deux danseurs du Ballet de l’Opéra de Paris sont cette année dans l’Académie chorégraphique de la troupe lancée par Benjamin Millepied, et c’est dans ce cadre que ces deux pièces ont été créées.
Avec Esquisse, Sébastien Bertaud se situe dans la veine des néo-classiques américains : un ballet abstrait alternant ensembles (11 artistes), trios, duos et solo, dans un décor et costumes minimalistes. Ce qui compte, c’est le mouvement (qui ne semble jamais devoir s’arrêter, dans une belle fluidité) et le rapport à la musique (de beaux extraits du Clavier tempéré, mais quel dommage qu’en étant au CNSMDP il ait fallu se contenter d’une bande-son). La chorégraphie est de base classique, avec une grande liberté du haut du corps et quelques incursions plus contemporaines. Rien de forcément nouveau donc, mais une pièce efficace où les élèves trouvent à s’épanouir. Là encore, il est à la fois question du groupe, de se situer dans le groupe, tout en sachant exister individuellement. Les ensembles sont parfois un peu fouillis, mais le pari est réussi. Les élèves éprouvent à la fois leur technique tout en prenant un palpable plaisir à être sur scène, à communiquer ensemble comme à briller en solo. Une pièce parfaite pour un jeune ballet.
Rumspringa de Simon Valastro va plutôt chercher du côté de Mats Ek. Déjà remarqué lors d’une soirée Danseurs-chorégraphes, il propose une oeuvre étonnante, très personnelle et théâtrale, faisant preuve déjà d’une maturité chorégraphique intéressante. Le Rumspringa est un rite de passage de la communauté Amish. Pendant un certain temps, les adolescent.e.s de la communauté sont libérés des règles strictes de leur église pour vivre leur vie, notamment découvrir l’amour. À la fin, cela sera soit le baptême, soit l’abandon de la communauté. C’est un peu une parabole de ce que vivent ces jeunes artistes en ce moment : ils sont dans une période de transition, entre les études et le monde professionnel. Quel chemin voudront-ils – et pourront-ils – prendre ? Les costumes Amish sont stricts, mais la danse est joyeuse, libérée, pleine de vie de la jeunesse. La chorégraphie est au premier coup d’oeil assez simple, ancrée dans le sol, mais elle se révèle pleine de surprises. Pour les élèves, c’est une façon de montrer qui ils sont. Et chacun.e arrive à définir son propre personnage, à se distinguer en tant qu’artiste. Cela donne un tout aussi surprenant qu’émouvant.
Les élèves de danse contemporaine terminent le spectacle avec Music visualization 1 de Pedro Pauwels, superbe pièce d’une grande musicalité. Cela fonctionne par couple : un.e danseur.se face à un.e musicien.e. Chacun à son tour (quatre en tout) occupe la scène pour un solo de lumière (au sens premier du terme, leur corps est peint d’une couleur). Le musicien guide leur pas. À moins que ce ne soit parfois l’inverse ? Voilà une danse épurée mais d’une grande force, à chacun.e de s’en emparer selon sa personnalité.
ÉtudiAnse Op3 par les élèves de danse classique et danse contemporaine, cycle ÉtudiAnse, du CNSMDP. Four temperaments (extraits) et Agon (extraits) de George Balanchine, Marie Breuilles, Manon Kolanowski, Francesca Masutti, Hortense Quentin de Gromard, Léa Pougheon, Léa Salomon, François Doré, Robin Chaput et Donovan Delis-Mc Carthy ; Set and Reset/Reset de Trisha Brown, avec Manon de Matauco, Marie Hanna Klemm, Justine Lebas, Marie Leblanc, Elsa Proudhon, Antoine Arbeit et Baptiste Martinez ; Esquisse de Sébastien Bertaud, Marie Breuilles, Manon Kolanowski, Francesca Masutti, Hortense Quentin de Gromard, Léa Pougheon, Léa Salomon, Cyprien Bouvier, Robin Chaput, François Doré, Jean-Baptiste de Gimel et Donovan Delis-McCarthy ; Rumspringa de Simon Valastro, avec Marie Breuilles, Manon Kolanowski, Francesca Masutti, Léa Pougheon, Cyprien Bouvier, Robin Chaput, Jean-Baptiste de Gimel et Donovan Delis-McCarthy ; Music visualization 1 de Pedro Pauwels, avec Justine Lebas, Marie Leblanc, Elsa Proudhon et Baptiste Martinez. Lundi 30 novembre 2015.