Le Pas Grand Chose de Johann Le Guillerm
Surdoué, fascinant et inclassable, Johann Le Guillerm continue de creuser son si singulier sillon avec un nouveau spectacle : Le Pas Grand Chose. Dans cette drôle de conférence riche d’expériences et de démonstrations, il livre au public son “cirque mental“, sa “science de l’idiot“. Jubilatoire !
Issu de la première promotion du CNAC, Johann Le Guillerm s’est peu à peu éloigné de tous les agrès traditionnels du cirque pour inventer sa propre discipline, qu’il développe en de multiples formes spectaculaires. Performances sous chapiteau, expositions, sculptures lui permettent de mettre en scène et en mouvement ses recherches et les incroyables objets qu’il crée.
En le programmant pendant toute sa durée, la réjouissante Biennale internationale des arts du cirque de Marseille a fait récemment du travail de cet alchimiste le temps fort de sa deuxième édition. Le public a pu y (re)découvrir SECRET, spectacle sur piste éminemment poétique qui mute d’année en année et en est aujourd’hui à son temps 2. Le circassien y dompte d’étranges et superbes structures mécaniques, y construit à partir de lattes de bois des sculptures géantes à l’équilibre instable sur lesquelles il grimpe avant de les détruire, y fait naître, tel un démiurge, une impétueuse tornade. Parallèlement, l’exposition Installations a investi la Friche la Belle de Mai, permettant de faire la connaissance des Imperceptibles, machines qui se meuvent à une lenteur telle qu’on ne peut les voir bouger, ou de La Motte, boule géante et herbue qui poursuit inlassablement sa révolution traçant sur le sol un dessin singulier.
À ce tentaculaire et fascinant théâtre d’objets et de mouvements ne manquaient que les mots. C’est ce nouveau champ que Johann Le Guillerm a décidé d’investir avec Le Pas Grand Chose, créé en ouverture du festival Spring. Troquant ses flamboyantes redingote et santiags pour un strict et sombre costume cravate, il débarque sur scène avec un étrange chariot de bois aux multiples tiroirs renfermant certaines de ces précieuses expérimentations. D’une voix calme et monocorde, sans jamais se départir de son sérieux, il entame de narrer son parcours et d’exécuter quelques brillantes démonstrations. Sa démarche est incontestablement scientifique : inlassable et minutieuse observation de ce qui l’entoure, création de systèmes.
Mais elle tient avant tout de la pataphysique chère à Alfred Jarry. Car Johann Le Guillerm a d’étonnants sujets d’étude. Doit-on s’attacher à la graphie des chiffres plus qu’à ce qu’ils symbolisent ? Vous êtes-vous déjà demandé comment se mouvait une pâte ? Est-il vraiment sérieux d’inventer la demi-roue ? Avec un sens certain de l’autodérision il nous invite dans son monde génial et souvent absurde, provoque les rires en cascade. Et l’on découvre pendant cette trop courte heure trente passée en sa compagnie, qu’à la manière d’un Raymond Devos qui se serait nourri de mathématiques Shadoks, il excelle aussi à jouer des mots.
Le Pas Grand Chose conçu, mis en scène et interprété par Johann Le Guillerm au 104. Jeudi 30 mars 2017. À voir en tournée les 3 et 4 mai au Tandem, Scène nationale de Douai-Arras.