[Les Étés de la Danse] Alvin Ailey American Dance Theater – Boykin/K.Brown/Battle/Wilson
Assister à une représentation de l’Alvin Ailey American Dance Theater promet toujours des moments jubilatoires. Entre préservation du répertoire de son chorégraphe fondateur Alvin Ailey et ouverture aux créateurs contemporains, cette troupe, composée en majorité de danseur.se.s afro-américain.e.s, possède des qualités techniques incontestables et un allant réjouissant. Autant d’atouts qui lui permettent de s’épanouir avec brio dans d’autres registres, comme en témoigne le programme “I” composé de quatre ballets de chorégraphes américains moins connus en France. À l’exception de Robert Battle, directeur depuis 2011 et chorégraphe de pièces bien installées dans le répertoire de la compagnie comme No longer Silent ou The Hunt.
Un homme seul sur scène, chemise blanche, pantalon et cravate noirs. Lentement, éclairé par une seule poursuite, il commence à se mouvoir en rythme au son d’une batterie. Fluidité, élégance… Soudain, la scène s’éclaire laissant place à des danseurs rejoints progressivement par des danseuses habillé.es de noir, de violet, de vert ou de blanc. En larges mouvements d’ensemble, cette quinzaine d’interprètes, en solo ou en duo, déploie une chorégraphie enlevée.
Pour composer r-Evolution Dream, sa troisième chorégraphie, Hope Boykin, la plus ancienne danseuse de la compagnie, s’est inspirée des discours et homélies de Martin Luther King. Elle s’est d’ailleurs rendue avec quelques danseurs au Centre national pour les droits civils et humains à Atlanta pour y nourrir son inspiration. Sans avoir vraiment besoin de savoir à quoi correspondent les différentes couleurs, on comprend vite qu’elles font référence à cette hiérarchie qui perdure entre les classes raciales ou sociales. Mais le propos n’est jamais appuyé, à peine suggéré par des déplacements à des rythmes différents, tantôt plus rapides ou plus lents. Quand à la fin, chacun-e se met à l’unisson de l’autre, dans un chœur de mouvement effaçant les différences, Hope Boykin s’inscrit de manière incontestable dans le sillage de l’œuvre d’Alvin d’Ailey.
Open Door de Ronald K.Brown, un habitué de l’Alvin Ailey American Dance Theater, commence lui aussi par un solo magnifiquement porté par Linda Celeste Sims. Bras qui battent l’air avec une grâce sans maniérisme, port de reine et déhanché jazzy, la danseuse donne le coup d’envoi d’une pièce à la chorégraphie combinant danse moderne et africaine, mais aussi danses afro-caribéennes et latines. La danse comme une “porte ouverte” sur d’autres cultures, d’autres influences. On est là aussi dans la mouvance d’Alvin Ailey, chantre d’une danse à l’impact universel. Mais Ronald K.Brown semble vouloir rester dans un registre léger, abordant une complexité rythmique et chorégraphique, mais sans réel propos apparent. Reste le plaisir d’une pièce à l’expressivité communicative, haute en couleurs avec un mambo final trois étoiles, pur moment de sensualité exubérante.
Et soudain la voix sublime de Nina Simone fend le silence du passage au noir. Wild is the wind s’élève et transforme la froide salle de La Seine musicale en chapelle. De la pénombre surgit la silhouette de Samuel Lee Roberts. On a beau déjà avoir vu In/side, on reçoit ce solo de moins de quatre minutes, de nouveau comme ce qu’il est : un uppercut dansant. Robert Battle a concentré tout la souffrance qu’une âme peut exprimer par son enveloppe charnelle. Créature en perdition, l’homme tente vainement de s’élever de sa condition, sans y parvenir. Le contraste entre le physique athlétique imposant et la désespérance fragile de l’interprétation, entre élévations et passage au sol en posture quasi foetale, participe à la force de ce solo à la beauté douloureuse.
Pas facile d’enchaîner après ce puissant solo, mais la compagnie y parvient avec The Winter in Lisbon, pièce à l’énergie explosive, qui clôt un programme dense et bien composé. L’Alvin Ailey American Dance Theater a le pouvoir de mettre le public dans sa poche avec une aisance déconcertante. La juste récompense du talent.
L’Alvin Ailey American Dance Theater à la Seine musicale, dans le cadre des Étés de la Danse. r-Evolution, Dream de Hope Boykin avec Michael Jackson, Jr., Jeroboam Bozeman, Belen Pereyra, Renaldo Maurice, Vernard J. Gilmore, Linda Celeste Sims, Daniel Harder, Jacquelin Harris, Michael Francis McBride, Jamar Roberts, Sarah Daley, Megan Jakel, Glenn Allen Sims, Akua Noni Parker et Sean Aaron Carmon ; Open Door de Ronald K. Brown avec Linda Celeste Sims, Solomon Dumas, Daniel Harder, Glenn Allen Sims, Jamar Roberts, Vernard J. Gilmore, Belen Pereyra, Fana Tesfagiorgis et Akua Noni Parker, Hope Boykin ; In/side de Robert Battle avec Samuel Lee Roberts ; The Winter in Lisbon de Billy Wilson avec Renaldo Maurice, Jamar Roberts, Chalvar Monteiro, Ghrai DeVore, Jacquelin Harris (San Sebastian), Jacqueline Green et Jamar Roberts (Lisbon). Jeudi 6 juillet 2017. L’Alvin Ailey American Dance Theater aux Étés de la Danse jusqu’au 22 juillet.
Todd, Geoff
C’est toujours intéressant de lire les détails de danse. Mon problème est que j’habite dans la Sarthe en plein compagne et je voudrais savoir quand il aura une spectacles à Angers, Saumur, Le Mans et Nantes. Je me rends compte que ce sera rare d’avoir des spectacles à coté de moi, alors, de temps en temps je peux aller à Paris, mais pour moi, ça coute cher (SNCF, hôtel etc).
Peut-être il y aurait un agenda (clair, et facile à comprendre) de dates et des endroits le long des nouvelles de danse?
Excusez-moi, svp mon français; je ne suis pas Français!
Geoff Todd.