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Nicolas Blanc, un chorégraphe français au New York City Ballet

Nicolas Blanc est le premier chorégraphe français depuis Benjamin Millepied invité à créer une œuvre pour le New York City Ballet. Sa création Mothership, sur une musique du compositeur américain Mason Bates, a été présentée pour la première fois le 4 mai lors du prestigieux  Gala de Printemps du NYCB, aux côtés de Christopher Wheeldon, Alexeï Ratmansky et Justin Peck. Rencontre entre deux répétitions avec ce chorégraphe français qui fait carrière aux États-Unis.

Nicolas Blanc en répétition pour Mothership avec Mimi Staker et Christopher Grant

Nicolas Blanc en répétition pour Mothership avec Mimi Staker et Christopher Grant

Comment est arrivée cette proposition de créer une pièce pour le NYCB ?

J’avais été invité à l’automne dernier au New York Choregraphic Institute (des rencontres créées en 2000 au sein du NYCB destinées à promouvoir de nouveaux chorégraphes) et cela s’est très bien passé. Le directeur du NYCB Peter Martins a vu la pièce et l’a beaucoup aimée. Après la deuxième représentation, il m’a proposé de la reprendre pour la compagnie. C’était vraiment une surprise totale, je ne m’y attendais pas. J’avais peu de temps à vrai dire, juste une semaine et demie, donc la pièce Mothership que je reprends est courte, juste 9 minutes et 21 secondes ! C’est comme un petit marathon.

 

Comment avez-vous choisi vos danseur.se.s ?

Tous les chorégraphes invités par le New York choregraphic Institute sont allés voir une classe et j’ai ainsi sélectionné un groupe. Ce sont des jeunes danseurs et danseuses, il y a même 3 « apprentices » dans la distribution (ndlr : de très jeunes danseurs et danseuses qui n’ont pas encore formellement intégré la compagnie). Pour eux, c’est aussi un grand pas en avant. Ils sont très verts et ils ont un enthousiasme qui fait plaisir à voir. Nous avions travaillé à l’automne dernier avec ce même groupe et je suis revenu à New York avant la première, pour retravailler certains passages dont je n’étais pas totalement satisfait.

 

Quel type de chorégraphe êtes-vous ? Avez-vous tout écrit avant d’arriver en studio ?

Je n’ai pas tous les pas écrits. J’ai peut-être deux phrases qui me permettent de démarrer. Ce qui est écrit, c’est la géographie sur scène. Mothership est une pièce pour quatre couples. Ce que je prévois d’avance, c’est où et comment ils bougent sur scène et les différentes sections de la pièce : savoir si c’est un duo, un solo, un pas de trois, un ensemble. Et c’est la musique qui m’indique cela. Si l’on parle du style, évidemment, c’est un registre néo-classique et j’ai beaucoup été marqué par mes expériences avec William Forsythe : l’attaque de Forsythe, les déséquilibres, les décalés, les positions extrêmes. Ce qui revient aussi chez moi, c’est la recherche de fluidité.

 

Précisément, le titre de votre pièce Mothership reprend celui de la partition écrite par le musicien Mason Bates qui a écrit cette suite symphonique, dans laquelle il inclut de la musique électro-acoustique. Pourquoi l’avez-vous choisie ?

J’avais en tête de trouver une musique qui convienne à une pièce courte. C’était ma cible. Je voulais une musique au tempo rapide parce que c’est la marque de fabrique du New York City Ballet. Action ! Et puis j’avais l’ambition de montrer dans ces neuf minutes ma capacité à chorégraphier une pièce qui soit à la fois rapide et lyrique. L’avantage de cette musique de Mason Bates, c’est que les improvisations qu’il a demandées à ses musiciens ont produit justement un passage plus lyrique qui m’a permis d’inclure le duo que j’avais en tête. Le but était de pouvoir jouer sur ce double registre : une chorégraphie lente et rapide… en 9 minutes ! Et puis quand j’ai écouté la pièce, il y a eu comme un appel du pied, c’était pour moi une évidence.

Nicolas Blanc avec Alston MacGill et Sebastian Villarini-Velez

Nicolas Blanc avec Alston MacGill et Sebastian Villarini-Velez

Que représente pour vous cette invitation au NYCB ?

C’est un rêve qui devient réalité. Lorsque j’étais en Europe, j’ai toujours voulu comme danseur me confronter à l’école de George Balanchine et c’est d’ailleurs une des motivations pour mon départ aux États Unis. Cela devait être temporaire et en fait, je suis resté.

 

Et comment s’est opéré votre parcours de danseur ?

J’ai commencé chez moi à Montauban avant d’aller suivre l’enseignement de l’Académie de Danse Classique de Monaco. J’ai suivi l’enseignement de l’École de Danse de l’Opéra de Paris avec Claude Bessy après le Prix de Lausanne. Dans ma carrière de danseur, l’étape de Zurich a été décisive :  Heinz Spoerli (l’ancien directeur du ballet de Zurich) a eu un impact fort sur ma carrière et sur ma danse. Puis ce fut le San Francisco Ballet où je fus nommé Principal en 2004. J’ai arrêté de danser relativement tôt, en 2009, à 32 ans parce que j’étais blessé et  j’ai décidé de partir sur une note haute. Je ne voulais pas envisager des périodes où je danserais suivies de longues pauses à cause des blessures. C’est comme cela que j’ai opéré ma reconversion comme maître de ballet, tout d’abord au Scottish Ballet puis au Joffrey Ballet. Je ne pensais pas vraiment revenir aux États-Unis, mais le directeur du Joffrey Ballet Ashley Wheater m’a fait cette proposition. J’ai donc repris ce poste à Chicago.

 

Aviez-vous projeté cette carrière nomade qui vous a conduit en Allemagne, en Suisse puis aux États-Unis ?

Ce sont les rencontres qui ont décidé de ma carrière. Enfant et jeune adolescent, je rêvais de l’Opéra de Paris. Mais quand j’ai voulu postuler, j’étais bien en dessous de la taille minimum exigée. Donc je n’ai même pas essayé. Mais j’ai eu la chance d’intégrer la première division de l’École de Danse après le Prix de Lausanne en 1994. Et c’est quelque chose que je voulais faire car j’ai senti que je regretterais toute ma vie de ne pas avoir essayé. Uns fois que je suis parti de l’Opéra de Paris, je me suis vite rendu compte que l’on pouvait faire carrière ailleurs et danser des rôles très intéressants. J’ai toujours eu besoin et envie d’élargir mon univers artistique.

 

Que retenez-vous de votre carrière au San Francisco Ballet ?

Je crois que c’est tout d’abord la diversité et la multitude des rôles que j’ai pu danser : du ballet académique aux chorégraphes contemporains en passant bien sûr par George Balanchine. Cela m’a ouvert les yeux et formé mon esprit critique. En tant que danseur européen, je trouvais que le répertoire du San Francisco Ballet était éblouissant.

Nicolas Blanc avec Sebastian Villarini-Velez et Alston MacGill

Nicolas Blanc avec Sebastian Villarini-Velez et Alston MacGill

Est-ce que vous vous sentiez malgré tout un danseur français ?

Oui. Je pense que lorsque l’on vient de France et que l’on arrive aux États Unis, il y a cette liberté dans la danse et cette liberté sur scène qui sont typiquement américaines. Mais je crois que ce qui peut attirer les chorégraphes ici et les directeurs de troupe quand ils engagent des artistes français, c’est la propreté de la danse et une forme d’élégance française. J’ai toujours essayé de garder cela : avoir la vivacité américaine, bouger rapidement et en même temps montrer cette école française.

 

Quand est venu ce désir d’être chorégraphe ?

J’ai toujours eu cette envie depuis tout petit, mais en étant Principal au San Francisco Ballet, je n’avais pas vraiment le temps ni l’opportunité de chorégraphier. J’ai fait deux pièces pour l’école, mais je ne pouvais pas faire davantage. Ensuite, cette transition comme maître de ballet, cela m’a beaucoup aidé pour la chorégraphie car je me suis retrouvé en face des danseurs et des danseuses : cela permet de développer sa propre science des placements sur scène, comment diriger les interprètes, quel vocabulaire utiliser, comment les modeler. Cette fonction de maître de ballet, qui est très différente, m’a beaucoup aidé pour apprendre à transmettre mes idées aux danseurs.

 

Quels sont les chorégraphes qui vous ont influencé ou qui ont été importants pour vous ?

Mister B évidemment ! J’ai tellement dansé George Balanchine… Et puis William Forsythe. Christopher Wheeldon est aussi un nom qui me vient spontanément. Ce que j’aime chez lui, c’est l’esthétique et la façon dont il crée toujours une atmosphère, même dans une pièce abstraite. Mats Ek est aussi dans mon panthéon bien que je sois de facture plus classique. Mais j’ai eu la chance de travailler avec Ana Laguna pour Carmen. J’aime bien cet équilibre entre le contemporain et le classique. Je me réjouis par exemple que Thierry Malandain, Kader Belarbi et Charles Jude aient initié ce concours des jeunes chorégraphes néo-classiques en France. Personnellement, j’aime ces deux pôles : le classique ou néo-classique et la danse contemporaine et ce concours va peut-être permettre de créer une balance.

 

Mothership de Nicolas Blanc est à voir au New York City Ballet jusqu’au 21 mai au David H. Koch Theater Lincoln Center New York.

 

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