Les Princesses – Cheptel Aleïkoum
Alerte coup de coeur ! Découvert au festival Circa l’automne dernier, Les Princesses de la compagnie Cheptel Aleïkoum est un petit bijou de spectacle de cirque. Dans un décor acidulé et avec une merveilleuse acrobatie aérienne, voilà les contes de fées de notre enfance revisités. Sous ce drôle de chapiteau, on parle des princesses d’aujourd’hui plus indépendantes qu’on ne le croit et des princes charmants qui font rêver (ou pas). On parle aussi d’amour et de coup de folie, de sexe et de féérie, avec ce tour de force d’arriver à s’adresser à tous les âges. Les Princesses, c’est furieusement drôle et décalé, corrosif et féministe, sans jamais oublier la magie et les yeux écarquillés de surprise que provoque le cirque.
Quand on pénètre dans le petit chapiteau, c’est déjà entrer dans un autre monde. Une princesse à la tenue blanche immaculée fait de la balançoire sur scène et propose aux public des barbes à papa vertes préparées par son acolyte à côté. Tant mieux, c’est l’heure du goûter. On a même droit à un petit verre d’Armagnac, le festival Circa se situant à Auch, dans le Gers. Il faut se serrer sur les bancs de bois et regarder le décor fascinant autour de nous, sorte d‘Alice au pays des merveilles gentiment sous acide. Sur scène, la princesse s’est endormie sur son lit. Elle attend visiblement quelque chose. Les minutes passent, le public s’agite, l’on commence à comprendre que la jolie jeune fille attend son baiser. Mais pas de prince charmant à l’horizon. Une ado du public se décide, se lève et va déposer un petit bisou sur la joue de la princesse… Rien. Un jeune garçon l’imite, toujours rien. Un homme qui a moins froid aux yeux décide de se bouger à son tour mais dépose le baiser sur les lèvres de la princesse… Qui visiblement n’attendait que ça (spoil alerte : vu sur d’autres représentations, ça marche aussi avec le baiser d’une femme).
À partir de là, place à une relecture tout feu tout flammes des contes de fées. La relecture d’un point de vue psychanalytique de ces histoires pour enfants n’est pas nouvelle. Cheptel Aleïkoum s’attache plutôt à les revoir du point de vue du XXIe siècle. Aujourd’hui, les princesse rêvent toujours du grand amour, il faut voir la première s’occuper avec tendresse de son prince charmant du jour, qui ne s’attendait sûrement pas à se retrouver sur un trône. Mais elle indépendante aussi, s’envole sur son trapèze volant et n’a besoin de personne d’autre qu’elle-même pour s’envoyer au septième ciel. Oui, Les Princesses, ça parle de sexe. Mais de cette délicieuse façon de savoir jouer des sous-entendus et de toujours garder la ligne juste, celle qui fait se tordre de rire les parents, mais où les enfants n’y voient qu’un monde fantastique (quant aux ados, je pense qu’ils adorent). Une autre princesse part en contorsion à travers le public, une troisième croque dans la pomme, une quatrième fait des rêves étranges sur un lit de fakir. Les Princes Charmants ne sont pas en reste, avec un Ken puissance 10 ou un autre qui finit avec une tête de lapin (quand on parlait d’Alice au pays des merveilles). Le tout sur une musique live guimauve assumée ou rock bien envoyé, réécrivant là encore l’histoire des contes de fées (“Dis papa, si c’était toi le prince charmant de maman, pourquoi maman elle pleure tout le temps ?“).
Sous ses airs déjantés, le spectacle parle aussi d’amour. Ou plutôt de la quête de la personne qui nous convient, de notre déception à ne pas tomber dessus, de l’envie de retenter à nouveau. Finalement, ces drôles de personnages passent leur temps à se courir après, souvent auprès de la mauvaise personne, à se demander quelle princesse va au final finir avec quel prince (ou quel prince avec quel prince, ça marche aussi). Et puis Les Princesses, c’est une boîte au trésor d’imagination et d’inventivité. Les numéros – beaucoup d’acrobatie aérienne, mais pas que – restent techniquement traditionnels, mais ont toujours une façon de partir à contre-pied, d’étonner, de surprendre. Ce petit monde aux merveilles regorge de surprises à chaque instant, se transforme comme on ne l’imaginait pas, prend vie d’une façon décalée et si drôlement malicieuse. De quoi laisser les yeux écarquillés et le sourire aux lèvres, quel que soit son âge. J’avais prévenu dès le début : Alerte coup de coeur !
Les Princesses de Cheptel Aleïkoum au festival Circa d’Auch. Avec Maxime Mestre, Marie Jolet, Marjolaine Karlin, Julien Michenaud, Carine Nunes et Marc Pareti. À voir en tournée, du 19 au 22 février à Tournai ou du 1er au 4 mars à Orléans.