En répétition – Un avant-goût de “Under a Day”, la création de Johan Inger pour le Ballet de l’Opéra de Lyon
Les chorégraphes contemporains emblématiques de ce début du XXIe siècle viennent souvent du NDT. Si le public français doit en citer un.e ou deux, les noms de Crystal Pite ou le duo Sol León et Paul Lightfoot viennent naturellement à l’esprit. Celui de Johan Inger un peu moins. Le hasard des programmations a donné moins de visibilité en France à ce chorégraphe. Pourtant, ces pièces ont une puissance narrative et du geste à couper le souffle, comme dans sa Carmen par la Compagnie Nationale de Danse d’Espagne. En avril, il propose à l’excellent Ballet de l’Opéra de Lyon une création, Under a Day, sur des musiques de Nina Simone. DALP s’est glissé en répétition.
Quelle que soit la qualité du programme et des artistes, il reste difficile de parler du Ballet de l’Opéra de Lyon sans évoquer la situation de son directeur Yorgos Loukos. Il a été condamné en novembre 2017 à six mois de prison avec sursis et 25.000 euros d’amende et de dédommagement pour discrimination et harcèlement envers une de ses danseuses. Il est toujours en poste aujourd’hui.
Sur la scène de l’Opéra de Lyon, il règne une atmosphère classique d’une des premières répétitions en plateau avant la première : tout le monde est là et prend ses marques, teste un pas, regarde son placement. Les danseurs et danseuses du Ballet de l’Opéra de Lyon sont en costumes, soit des jeans près du corps et des débardeurs colorés aux tons acidulés façon Uniqlo. Il y a du monde en scène, toute la troupe, mais aussi Johan Inger, des costumières qui donnent quelques conseils et retouches, des techniciens, le régisseur. La lumière se teste au fur et à mesure, plongeant par à-coups la scène dans une vive lumière ou un clair-obscur. Tout comme les costumes, les décors et scénographies s’annoncent simples et efficaces : un mur blanc au fond, quelques nuages suspendus aux cintres.
Sur le plateau, les danseurs et danseuses répètent par petits groupes. Johan Inger passe de l’un à l’autre pour des corrections rapides, un changement de position, une indication de tempo ou d’énergie. Il montre beaucoup, danse, prend la place des artistes, semble avoir beaucoup de choses à indiquer mais concentre son propos sur quelques détails bien précis. Il fait travailler un pas de deux entre un danseur et une danseuse, où tout se joue avec la tête de cette dernière. Puis il prend un autre duo à part, où l’homme tourne autour de la femme. Place ensuite à un petit groupe. La danse semble s’articuler autour des interactions de chacun et chacune. Les ensembles sont mouvants, les duos fréquents. Ça danse ensemble, ça se touche, ça repart vite vers autre chose, avec une sorte d’urgence.
Puis le chorégraphe court vers la salle et demande à voir la première distribution. Le plateau se vide pour ne laisser place qu’à quelques danseurs et danseuses. La musique de Nina Simone retentit, et le groupe part dans une danse percutante, à toute allure. Les impressions du début de la répétition se confirment. “Mes réflexions chorégraphiques se portent sur ce jeu sans fin et cette recherche de positionnement du soi face à l’autre“, explique Johan Inger dans sa note d’intention. Ses corrections se font donc sur des détails, sur la façon et le moment précis dont l’un commence à danser avec une autre. “Vous attendez… Et là, hop, vous courez pour arriver jusqu’à cet endroit de la scène“. Si la danse semble libre, rien n’est laissé au hasard. Mais la musique de Nina Simone, certes superbe, n’est pas forcément facile pour les comptes. “Pour info, il y a 30 secondes avant que la voix ne démarre“, lance ainsi le chorégraphe à un groupe de danseuses. “Quand le pas de six d”marre, c’est bon“. Le chorégraphe insiste plus particulièrement sur ce passage, dansé d’une façon plus douce que le reste de la pièce, la musique se faisant aussi plus calme, avant qu’une seule danseuse ne se retrouve dans un faisceau de lumière.
L’oeuvre de Nina Simone comme son histoire personnelle sont au coeur de la création Under a Day. “C’est une sensibilité exacerbée, entremêlée de conflits personnels et d’indescriptibles et imperceptibles couches de complexité dans sa relation à l’amour“, raconte Johan Inger. “La musique, la puissance des textes ainsi que la personnalité bipolaire de Nina Simone m’ont guidé dans l’exploration des contrastes quant à certaines de nos actions : de décisions en pleine présence et force d’esprit aux plus imprévisibles et sombres moments de confusion“. De ce qui est vu en répétition, le résultat semble prometteur.
Under a Day de Johan Inger par le Ballet de l’Opéra de Lyon, à voir lors d’un programme Inger/Kylián – comprenant également No More Play et Petite Mort de Jiří Kylián – à voir du 19 au 25 avril à l’Opéra de Lyon.