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Soirée Hiroshi Sugimoto / William Forsythe – Ballet de l’Opéra de Paris

Pour ce programme de rentrée du Ballet de l’Opéra de Paris, l’affiche est résolument contemporaine. Invité pour la première fois, l’artiste plasticien japonais Hiroshi Sugimoto s’est associé au chorégraphe Alessio Silvestrin pour créer At the hawk’s well, une adaptation d’un poème de William Butler Yeats. Une pièce à la beauté plastique évidente, mais qu’on ne peut s’empêcher de trouver frustrante d’un point de vue chorégraphique. En deuxième partie, Blake Works I de William Forsythe, reprise de la pièce hommage à l’école française créée en 2016, a suffi à balayer cette déception. La jeune garde, féminine comme masculine, du Ballet de l’Opéra de Paris y laisse exploser une joie de danser communicative. 

Blake Works I de William Forsythe – Ballet de l’Opéra de Paris

Nul besoin de lire avant l’argument du drame imaginé par le poète irlandais William Butler Yeats pour se laisser happer par l’esthétique de At the hawk’s well. Pour résumer : une montagne aride, un puits asséché, une femme-épervier qui en garde l’entrée, un vieil homme allongé là depuis un demi-siècle guettant le retour de l’eau miraculeuse. Une allégorie sur le temps qui passe, la quête de la jeunesse éternelle. Après quelques mouvements d’ensemble dans la semi-obscurité peu convaincants, place aux solistes ! Le premier à apparaître, dissimulé dans un étrange kimono lamé, est Alessio Carbone, barbe et perruque grise, qui martèle le sol d’un pied rageur. Pour le rôle de la femme-épervier, Ludmila Pagliero a revêtu un costume rouge flamboyant doté d’ailes démesurées. L’effet est incontestablement saisissant, mais tourne un peu court pour déployer une chorégraphie autre que minimaliste.

Même l’entrée d’Hugo Marchand impérial dans son costume de cérémonie, symbolisant la jeunesse, ne suffit pas à raviver l’attention. Y compris sa rencontre avec l’acteur Nô, Kisho Umewaka. Tout au long de la pièce, on est séduit par l’esthétique de la proposition assez fascinante par moments, mais qui ne parvient jamais à remporter complètement la mise. Sans doute parce que tout impressionnant soit-il, le dispositif peine à masquer le manque de proposition chorégraphique originale.

At the hawk’s well de Hiroshi Sugimoto et Alessio Silvestrin

En deuxième partie, et après un long entracte de 30 mn dû au démontage du plateau de la pièce précédente, la compagnie reprend Blake Works I créé en 2016 également au Palais Garnier. À quelques exceptions près, beaucoup de danseur.euse.s faisaient déjà partie de la distribution. Depuis, si certain.e.s ont accédé au titre d’Étoile, comme Léonore Baulac ou Hugo Marchand, on sent leur plaisir de renouer avec ce ballet où les ensembles comptent beaucoup. Le petit cri de guerre, genre team building, n’est pas là seulement pour le décorum. On ressent un vrai plaisir de danser les un.e.s avec les autres.

Si Blake Works I dégage une telle énergie, c’est que cette pièce semble taillée sur-mesure pour cette génération d’interprètes. Si on a pu reprocher parfois à la compagnie de ne pas se lâcher suffisamment, là les 22 danseur.euse.s, tuniques et collants bleus, se glissent avec jubilation et une grande liberté dans les pas façonnés par le chorégraphe. Comme à son habitude, William Forsythe a détricoté et entremêlé la technique classique pour l’accommoder à sa sauce parfois jazzy ou swing. Cela va très vite. Des isolations et des déhanchés viennent se glisser au milieu des enchaînements plus académiques. Pas de temps morts entre les solos, duos, trios et les ensembles sur la sélection de chansons du compositeur James Blake, The colour in anything,

L’ouverture Forest Fire est particulièrement brillante avec une synchronisation parfaite des gestes. Quand au quatuor I hope my life réunissant Léonore Baulac, Marion Barbeau, Hugo Marchand et Florent Melac, il fonctionne à merveille. Chacun joue avec le rythme, le phrasé, et y apportent ses propres nuances. Les duos sont également de purs moments suspendus.  Léonore Baulac et Florent Melac forment un couple bien assorti tout en retenue. Présent dans les coulisses, William Forsythe, pantalon de jogging rouge et t-shirt blanc est venu saluer avec les interprètes. Visiblement heureux. On le comprend.

Blake Works I de William Forsythe – Paul Marque et Florent Melac

 

Soirée Hiroshi Sugimoto / William Forsythe par le Ballet de l’Opéra de Paris au Palais Garnier. At the hawk’s well. Mise en scène, scénographie, lumières de Hiroshi Sugimoto. Chorégraphie de Alessio Silvestrin avec Ludmila Pagliero, Hugo Marchand, Alessio Carbone et Alice Catonnet, Marine Ganio, Charline Giezendanner, Roxane Stojanov, Camille de Bellefon, Hohyun Kang, Yannick Bittencourt,  Florimond Lorieux, Léo de Busserolles, Thomas Docquir, Milo Avêque, Cyril Chokroun ; Blake Works I de William Forsythe avec Léonore Baulac, Marion Barbeau, Bianca Scudamore, Sylvia Saint-Martin, Camille Bon, Laure-Adélaïde Boucaud, Naïs Duboscq, Emilie Hasboun, Jennifer Visocchi, Eugénie Drion, Clémence Gross, Amélie Joannidès, Héloïse Jocqueviel, Hugo Marchand, Paul Marque, Pablo Legasa, Francesco Mura, Jérémy-Loup Quer, Florent Melac, Andrea Sarri, Chun Wing Lam. Dimanche 22 septembre 2019. À voir jusqu’au 15 octobre.




 

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