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Zéphyr – Mourad Merzouki

Zéphyr, La dernière création de Mourad Merzouki a mis du temps avant de pouvoir prendre le large, repoussée de mois en mois par le Covid. Mêlant le hip hop au vent, élément naturel qui provoque la lutte autant qu’il emporte, la pièce – une Commande du Vendée Globe – a comme un goût de liberté : celle du voyage, des nouveaux horizons ou de l’intrépidité de la jeunesse. Malgré un début laborieux, et certains passages franchement appuyés, voire poussifs, Zéphyr arrive tout de même à nous emporter. L’énergie des interprètes, la poésie toujours présente et le talent de Mourad Merzouki pour créer son propre univers font oublier les facilités pour séduire et envoyer un grand bol d’air frais, au sens propre comme figuré, dans le théâtre. Un “feel good spectacle” qui s’apprécie comme tel en ces temps incertains.

Zéphyr de Mourad Merzouki

Alors que Suresnes Cités Danse fête ses 30 ans, Mourad Merzouki est un parfait exemple du talent qui a pu émerger par ce festival. Danseur lors des premières éditions, il y a explosé en tant que chorégraphe avant de prendre la tête du CCN de Créteil et de créer deux festivals. Et il est aujourd’hui l’un des chorégraphes les plus prolifiques et vus de la scène danse française, avec notamment Pixel qui compte 400 représentations au compteur (et ce n’est pas fini). Au fil de ses spectacles, Mourad Merzouki a montré qu’il aimait les mélanges et l’hybridation. Son hip hop se mêle ainsi de danse numérique dans le fameux Pixel, il part en hauteur dans sa pièce vertigineuse Vertikal, il travaille la musique baroque ou les pointes dans Folia. Zéphyr, sa dernière création montée pour le Vendée Globe, prend ses racines dans l’un des cinq éléments : le vent.

C’est d’ailleurs par lui que démarre Zéphyr. Sur scène, un petit ventilateur se met en marche, déployant une douce brise dans la salle de la Maison de la Danse. Des mains, des bras, des corps apparaissent et prennent possession des lieux, tandis que d’autres ventilateurs, plus gros, perchés dans le décor, créent un nouveau souffle. Les dix interprètes sur scène semblent comme être l’équipage d’un bateau partant à l’aventure, sans savoir où il va mais désireux de découvrir d’autres terres. Leur danse mêle la nervosité des jambes à une fluidité du haut du corps qui semble être en perpétuels mouvements. Un peu comme si, poussés par le vent, leurs gestes devenaient les vagues et le roulis les emportant au loin.

Zéphyr de Mourad Merzouki

L’image est belle et les interprètes formidables. Le spectacle cependant a du mal à quitter la terre ferme. Mourad Merzouki sait y faire et il déploie sur scène ce qu’il sait faire fonctionner. Cela marche, mais l’on attend la surprise, un récit moins linéaire et attendu, quelque chose qui frappe un peu plus l’esprit. La musique très (trop) illustrative n’aide pas à créer une dynamique moins attendue et convenue. L’on a ainsi du mal à accrocher et à rester attentive, si ce n’est par la puissance singulière de chacun des danseurs et danseuses, tous et toutes formidables et très bien dirigées. Avec plus de vingt pièces au compteur, Mourad Merzouki se répète forcément, et ce n’est pas un problème en soi, tant que quelque chose vient percuter une gestuelle connue. Cela marchait avec Folia et sa douce folie, avec Vertikal et son travail de hauteur. Cela marche moins avec Zéphyr, l’objet du vent ne semblant pas assez puissant dans son utilisation pour pousser le curseur un peu plus loin.

Mais à mi-parcours, le spectacle prend une autre dimension. Les dix explorateurs et exportatrices semblent avoir trouvé une terre, peuplée de surprises et de rencontres. La poésie, un peu oubliée au début, surgit à travers des personnages venus d’un autre monde. Ainsi la sirène – femme puissante, loin du cliché de la séductrice – emporte et séduit. Le jeu des voiles, même s’il a souvent été vu (pensez à Petite mort de Jiři Kylián), trouve des pirouettes inattendues et une façon de construire le récit. Et puis il y a ce talent irrésistible de Mourad Merzouki pour finir ses pièces, celui de créer un élan de dingue, un final explosif qui donne le tournis, de l’enthousiasme et du baume au cœur. Ses dix interprètes vont de plus en plus haut, toujours plus enthousiasmants et percutants. S’ils sont tous à citer, la danseuse Simona Machovičová marque particulièrement par sa puissance toute en souplesse et son charisme qui emporte tout sur son passage.

Zéphyr de Mourad Merzouki

Alors tant pis si Zéphyr a ses défauts et ses facilités. L’on en sort tout de même le sourire aux lèvres, heureux-se de ce moment de spectacle vivant, et même – disons-le- avec une bonne dose d’optimisme pour l’année qui s’annonce, ce qui est en soi un  petit exploit. Un peu à l’image du joyeux “Bonne année !” lancée par le chorégraphe et ses interprètes au moment des saluts, à une Maison de la Danse debout et montrant bruyamment son enthousiasme. Mourad Merzouki est un enfant de Lyon, il y est toujours bien accueilli. Il ne se cache pas d’ailleurs de vouloir reprendre la direction de cette institution, laissée vacante au printemps prochain. Un nom qui fait plus que sens.

 

Zéphyr de Mourad Merzouki à la Maison de la Danse de Lyon. Avec Soirmi Amada, Ethan Cazaux, Ludovic Collura, Ana Teresa De Jesus Carvalho Pereira, Nicolas Grosclaude, Simona Machovičová, Camilla Melani, Mourad Messaoud, Tibault Miglietti et Adrien Tan. À voir jusqu’au 22 janvier, puis en tournée le 9 avril au Palais des Congrès, Issy-les-Moulineaux, du 2 au 4 juin au Wolubilis de Bruxelles.

 



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