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A Swan Lake d’Alexander Ekman ou comment danser avec l’eau

C’était l’un des spectacles les plus guettés de cette saison. Paris n’avait que trop attendu pour accueillir le suédois Alexander Ekman, assurément l’une des personnalités les plus enthousiasmantes dans la galaxie des chorégraphes contemporains. A peine 33 ans et déjà un répertoire riche de plusieurs dizaines de pièces. C’est avec A Swan Lake dansé par le Ballet National de Norvège qu’Alexander Ekman a fait ses vrais débuts parisiens. Et cela tombait bien car cette pièce est une fête pour l’œil et un régal d’humour.

A Swan Lake – Alexander Ekman

Certes, les balletomanes ont de quoi être décontenancés par cet objet chorégraphique non identifié. Du Lac des Cygnes, Alexander Ekman n’a gardé qu’un épure et encore : pas de prince, pas de génie maléfique, pas de cygnes – ou si peu ! – et pas même la partition de Tchaïkovski. C’est son compatriote Mikael Karlsson qui signe la musique où l’on perçoit parfois, si l’on tend bien l’oreille, des réminiscences de la célèbre partition russe. Mais le sujet ici, et la star en même temps, c’est l’eau. Ce lac qu’Alexander Ekman installe sur scène et constitue indiscutablement l’élément-clef de son travail. Et cela transparait magistralement lors du premier tableau où 18 danseurs et danseuses dont on imagine qu’ils sont les cygnes crédités au programme, investissent cet espace.

Cela commence sans musique, très lentement comme pour apprivoiser cet élément. Puis tout s’accélère pour donner lieu à une série de tours, de sauts, de glissades menés tambour battant. Et c’est là que le travail d’Alexander Ekman et celui du Ballet de Norvège est le plus puissant. L’eau virevolte, fait des cercles et devient un élément central de la chorégraphie. L’eau en soi est un élément esthétique et Alexander Ekman parvient à la sublimer grâce à son art des ensembles, que l’on a déjà vu dans Cacti, ce talent pour construire une chorégraphie chorale où chacun ne fait jamais tout à fait la même chose (et l’on se dit que ce talent-là devrait faire merveille avec les 36 danseur.se.s de l’Opéra de Paris qui participeront à Play créé au Palais Garnier en décembre).

Après ce choc, la suite est plus anecdotique. Le combat infantile entre le Cygne blanc et le Cygne noir est au mieux gentillet. C’est le prélude à une sorte de fourre-tout en forme de cabaret où les gags se succèdent dans un parti-pris de danse/théâtre que l’on a déjà vu mille fois. C’est certes sympathique, parfois drôle, mais sans grand intérêt. Il faut attendre le tableau final où 18 interprètes se retrouvent une nouvelle fois sur l’eau pour savourer cette magie que sait créer Alexander Ekman. On est là de nouveau dans un moment de pure danse et il y excelle. C’est là qu’il nous surprend et nous bluffe quand il risquait de nous perdre. Alexander Ekman, suédois, ayant travaillé au NDT et au Ballet Cullberg, est comme l’héritier improbable de Mats Ek et Jiří Kylian. Du premier, il a gardé l’audace, l’humour et ce regard déjanté. Du second, il conserve la rigueur du geste et l’art de l’ensemble.

À ce titre, A Swan Lake n’est pas l’œuvre la plus marquante du chorégraphe. Elle reste une sorte d’exercice joyeux mais limité. C’est un peu ce qu’essaye de nous dire maladroitement le film projeté avant la représentation et censé expliquer la genèse et la difficulté de cette création. Absolument inutile. Une œuvre se suffit en soi et n’a nullement besoin d’un tel bavardage. Mais en dépit de ces réserves, A Swan Lake aura fait office de délicieux amuse-gueule, donnant envie d’en voir plus, beaucoup plus !

 

A Swan Lake d’Alexander Ekman par le Ballet National de Norvège au Théâtre des Champs-Élysées, dans le cadre de la saison TranscenDanses. Scènographie: Ana Maria Lucaciu, Christopher Kettner, Video:Todd Rives, Costumes: Henrik Vibskov, Lumières: Tom Visser. Jeudi 30 mars 2017. 

 

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