TOP

Angel Corella insuffle de l’Espagne dans son Don Quichotte au Pennsylvania Ballet

C’est un ballet qui a une place particulière parmi les danseuses et les danseurs mais aussi pour les balletomanes : Don Quichotte. Ce divertissement de luxe est un défi technique pour les artistes et une pure joie pour le public. Angel Corella, ancien danseur de l’American Ballet Theatre et qui fut l’un des Basilio les plus virtuoses de sa génération (interview à venir très vite sur Danses avec la plume) a voulu inscrire ce ballet fondateur au répertoire du Pennsylvania Ballet qu’il dirige depuis un an. Un pari réussi avec dans les rôles principaux beaucoup de jeunes talents de la troupe, parfois encore dans le corps de ballet.

Don Quichotte-Mayara Pineiro-Acte1

Don Quichotte – Mayara Pineiro – Acte 1

Mais pas question d’importer une production : Angel Corella a voulu proposer sa propre version avec l’idée d’y instiller un peu d’Espagne à la place des espagnolades de pacotille qui trop souvent encombrent l’œuvre créée par Marius Petipa pour le Bolchoï. Don Quichotte est un ballet qui souffre des multiples sédimentations liées aux innombrables versions et ajouts qui se sont accumulés depuis sa création en 1869 à Moscou. Un challenge forcément compliqué pour Angel Corella : recréer un ballet de cette dimension avec un budget limité a demandé beaucoup d’habileté et d’engagement. C’est à l’Opéra de San Diego en Californie qu’il a trouvé le décor qui convenait. Je veux que le public sente d’emblée l’Espagne, j’ai trop dansé dans des productions où le décor faisait davantage penser …à Istanbul“, s’amuse Angel Corella.

Il a fallu adapter la scénographie de ce décor créé pour l’opéra de Massenet afin de trouver l’espace nécessaire à la danse mais le résultat est réussi. Rien de trop ou de trop peu et l’air de la Mancha souffle sur la vaste scène de l’Académie de Musique de Philadelphie. Les costumes ont été réalisés dans les ateliers du Pennsyslvania Ballet sous la supervision d’Angel Corella qui a rapporté des ces flâneries en Espagne écharpes et accessoires  pour enrichir la production.

DonQuichotte-Mayara Pineiro-Dulciée, Acte2

DonQuichotte – Mayara Pineiro – Dulcinée, Acte 2

Restaient les distributions. Pas simple pour une compagnie de 50 danseur.se.s et Angel Corella a quelque peu bousculé la hiérarchie au profit de jeunes danseur.se.s, simples solistes ou issus du corps de ballet. Pari risqué mais au bout du compte réussi. Mayara Pineiro fut ainsi la révélation de cette série. Cette jeune danseuse d’origine cubaine, fraichement engagée dans la troupe par Angel Corella, est une Kitri majuscule. Certes la première variation apparait un peu timide et comme retenue. Mais après ce début en demi-teinte, la danseuse lâche les chevaux : technique magistrale dans la variation des castagnettes, diagonale impeccable dans celle de Dulcinée et équilibres interminables dans la grand pas du 3ème acte pour conclure sur une série de fouettés que l’on renonce à compter lorsque la barre des 40 est dépassée.

Mais au delà de la virtuosité, Mayara Pineiro excelle dans la comédie. Mutine, drôle, légère, elle est une Kitri naturelle qui a 24 ans, est promis à un bel avenir à Philadelphie…ou ailleurs ! Son partenaire Etienne Diaz, issu du corps de ballet, est un partenaire fiable, qui contrôle parfaitement les portés acrobatiques à une main du 1er acte. Ce danseur du corps de ballet, d’origine cubaine lui-aussi, est fort plaisant à regarder mais ne se hisse jamais au niveau de Mayara Pineiro.

Don Quichotte-Mayara Pineiro et Etienne Diaz-Acte1

Don Quichotte – Mayara Pineiro et Etienne Diaz – Acte 1

Oksana Maslova, la Kitri de la deuxième distribution, fut aussi recrutée la saison dernière par Angel Corella. Je comprend qu’il ait été séduit par son élégance, sa prestance et une technique nourrie de son apprentissage de la gymnastique rythmique, puis de l’école chorégraphique de Kiev. Oksana Maslova n’est jamais avare d’hyper extensions et de 6°clock qu’elle réalise sans forcer. Sa Kitri est plus slave et ancrée dans la tradition russe. Il y a davantage de raffinement dans sa danse merveilleusement servie par Arian Molina Soca – encore un cubain ! – Principal du Pennsylvania Ballet depuis 2012. Il livre un Basilio de haute tenue : un rien frimeur et fier de sa technique mais cela fonctionne parfaitement dans Don Quichotte, ballet de la virtuosité par excellence.

Le plus étonnant est que l’on retrouve tous ces solistes dans les seconds rôles : Arian Molina Soca devient le chef gitan dans l’autre distribution, Oksana Maslova est propulsée Reine des Dryades. La veille, Mayara Pineiro dansait la compagne du chef de gitans avec un flamenco  impeccablement réglé par Angel Corella. Ce jeu de taquets permanent pour les danseuses et les danseurs est indispensable dans une compagnie de la taille du Pennsylvania Ballet. Tous les artistes sont sollicités au maximum et présents à toutes  les représentations, des solistes  aux apprentis du corps de ballet. C’est exténuant mais bougrement formateur.

Don Quichotte-Oksana Maslova-Acte3.

Don Quichotte – Oksana Maslova – Acte 3

Cette exigence du nouveau directeur artistique est déjà perceptible. La troupe était apparue quelque peu fatiguée l’an dernier lors d’une série de Lac des Cygnes dans la version de Christopher Wheeldon. Elle dégage désormais une énergie à l’image d’Angel Corella qui vit au plus près de ses danseurs-seuses, dirigeant la classe régulièrement. Ce travail se voit déjà sur scène dans ce Don Quichotte dont je sorts ravi, sourire au lèvres, léger. Que demander de plus !

Don Quichotte-Pennsylvania Ballet

Don Quichotte – Pennsylvania Ballet

 

Don Quichotte d’Angel Corella par le Pennsylvania Ballet à l’Academy of Music de Philadelphie. Avec Oksana Maslova (Kitri), Arian Molina Soca (Basilio) et Lauren Fadeley (Reine des Dryades) le samedi 12 mars 2016. Avec Mayara Pineiro (Kitri), Etienne Diaz (Basilio), Oksana Maslova (Reine des Dryades), Charles Askegard (Don Quichotte) et R. Colby Damon (Sancho Panza) le dimanche 13 mars 2016. 

 

Poster un commentaire