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Le Coq d’Or d’Alexeï Ratmansky – American Ballet Theatre

Avant le retour attendu de la reconstruction de sa Belle au Bois Dormant qui conclura la saison de printemps de l’American Ballet Theatre (à voir en  en septembre à l’Opéra Bastille), Alexeï Ratmansky met sur la scène du Metropolitan Opera un ovni chorégraphique : Le Coq d’Or, sur la partition de Nikolaï Rimski-Korsakov et un livret basé sur le conte du poète russe Alexandre Pouchkine. Le ballet s’inspire de la production de Michel Fokine pour les Ballets Russes de Serge Diaghilev montrée en mai 1914 au Palais Garnier. Alexeï Ratmansky l’avait recréée pour le Ballet Royal du Danemark en septembre 2012 et c’est cette production quelque peu revisitée qui entre au répertoire de l’ABT.

Le Coq d'Or: Gary Chryst ( Le Tsar Dodon).

Le Coq d’Or d’Alexeï Ratmansky – Gary Chryst (Le Tsar Dodon).

Ovni car ce Coq d’Or n’est pas un ballet classique tel qu’on peut l’entendre aujourd’hui. C’est d’une certaine manière l’exact contraire du Corsaire montré juste avant ce nouvel opus du festival Ratmansky de l’ABT. Il n’y a aucun morceau de bravoure dans ce Coq d’Or, pas de pas de deux ou de pyrotechnie. C’est avant tout du théâtre et un authentique conte cruel raconté par des danseur.se.s de caractère utilisant la pantomime, avec pour point d’orgue artistique la partition de Rimski- Korsakov et les sublimes décors et costumes reconstitués par Richard Hudson (d’après les originaux peints par Natalia Gontcharova).

Ces décors éclatent littéralement dès le premier rideau de scène. Des couleurs chatoyantes où dominent le rouge et l’ocre, des costumes aux riches imprimés inspirés du folklore russe… Le Coq d’Or est une véritable fête pour les yeux et les oreilles. Chef de file du courant néo primitif, Natalia Gontcharova offre avec ce Coq d’Or un véritable chef-d’œuvre qui en soi justifiait la reconstitution réalisée par Alexeï Ratmansky.

Skylar Brandt ( Le Coq d'Or).

Le Coq d’Or d’Alexeï Ratmansky – Skylar Brandt (le Coq d’or)

Celles et ceux qui attendent une danse académique risque de rester sur leur faim. Les deux personnages principaux du Coq d’Or, l’astrologue et le tsar Dodon, sont deux rôles de caractères. Ce sont eux qui portent le livret. Cory Stearns incarne un astrologue facétieux et montre au passage qu’il excelle dans ce type de rôle. Sa pantomime est limpide, élégante et drôle lorsque c’est nécessaire car Le Coq d’Or est bien un ballet comique. Mais la star de la soirée fut sans conteste Gary Chryst, artiste du Joffrey Ballet de Chicago et danseur invité pour cette production du Coq d’Or. Il compose un tsar Dodon irrésistible de drôlerie. Gary Chryst, qui a dansé dans la compagnie de Jiří Kylián qui créa pour lui la pièce East Shadow, est un danseur multiple, aussi à l’aise sur Broadway que dans les rôles de caractères.

Abusé par l’Astrologue qui lui offre le Coq d’Or capable de l’avertir d’un danger imminent, le Tsar Dodon promet de lui donner en retour ce qu’il souhaite. Il choist la Reine perse de Shemakhan que tous les deux convoitent. Au cours de ce voyage, le Tsar perd ses deux fils sur le champ de Bataille : Jeffrey Cirio (Prince Guidon), et Joseph Gorak (Prince Afron) sont à l’unisson, drôles dans leur rivalité quasi clownesque lorsqu’ils convoitent le trône et excellents dans leur danse folklorique virtuose. Skylar Brandt, nommée soliste de l’ABT l’an dernier, fut le Coq d’Or de la première. Il y a peu à danser pour ce rôle mais Skylar Brandt s’exécute avec brio et une infinie musicalité. Et Alexeï Ratmansky lui réserve la chorégraphie la plus originale de ce ballet avec des penchés sur pointes à 90 degrés parfaitement réalisés.

Mais c’est la Reine de Shemakhan interprétée par Veronika Part qui hérite du seul solo du ballet : il occupe une grande – trop grande – partie de l’acte deux. C’est une danse de séduction pour abuser le Tsar Dodon. Veronika Part est irréprochable, droite sur ses pointes, mutine à souhait, avec des bras d’une fluidité toute russe acquise à l’Académie Vaganova où elle fut élève avant de rejoindre le Mariinsky. Mais ce solo traine quelque peu en longueur. Michel Fokine avait initialement monté l’Opéra-Ballet en y incluant les parties chantées. Lorsqu’il le révisa pour la production de 1937, il coupa dans la partition pour en faire un ballet de 45 minutes, durée typique des Ballets Russes.

Ducan Lyle et Skylar Brandt- Le Coq d'Or.

Le Coq d’Or d’Alexeï Ratmansky – Ducan Lyle et Skylar Brandt

Alexeï Ratmansky, musicien d’excellence, a pris le parti de faire entendre toute la partition de Nikolaï Rimski-Korsakov en faisant réorchestrer les parties chantées par Yannis Samprovalakis. Il n’y a rien à redire au résultat musical mais cela allonge le ballet qui perd quelque peu sa cohérence dramatique. Respectueux de la production originale de Michel Fokine, le chorégraphe russo-américain semble avoir renoncé à introduire sa propre chorégraphie. C’est dommage car le ballet aurait gagné en épaisseur. Mais qu’importe ! Ce Coq d’Or montre une autre facette de ce chorégraphe qui semble pouvoir tout faire et être aussi à l’aise dans la reconstitution des grands ballets académiques, dans la rénovation du répertoire soviétique ou encore dans la création néo-classique post-Balanchine. Alexeï Ratmansky est bien le grand chorégraphe classique de ce début de siècle.

 

The Golden Cockerel (Le Coq d’Or) d’Alexeï Ratmansy par l’American Ballet Theatre au Metroplitan Opera de New York. Avec Veronika Part (La Reine de Shemakhan), Gary Chryst (Le Tsar Dodon), Skylar Brandt (Le Coq d’Or), Cory Stearns (l’Astrologue), Jeffrey Cirio (Le Prince Guidon), Joseph Gorak (Le Prince Afron). Jeudi 9 Juin 2016.

 

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