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Rencontre avec Carolyn Occelli, nouvelle directrice de Suresnes Cités Danse

Avec une nouvelle directrice – Carolyn Occelli – à la tête du Théâtre de Suresnes – Jean Vilar, Suresnes Cités Danse revient pour sa 31e édition. Du 6 janvier au 5 février, le festival réunira 13 chorégraphes et 50 interprètes pour 21 représentations. Dont cinq créations parmi lesquelles Portrait de Mehdi Kerkouche, le nouveau directeur du Centre chorégraphique national de Créteil. Pour DALP, Carolyn Occelli évoque ce qui a présidé aux choix de programmation de sa première édition de ce rendez-vous chorégraphique incontournable de début d’année. Rencontre avec une directrice enthousiaste soucieuse des artistes et des publics.

Carolyn Occelli, nouvelle directrice de Suresnes Cités Danse

Vous avez été nommée à la direction du théâtre de Suresnes pour succéder à Olivier Meyer qui en était le directeur depuis 1990. C’est un lieu que vous connaissez bien puisque vous occupiez le poste de secrétaire générale depuis avril 2019. Racontez-nous ce qui vous a emmenée jusque-là.

J’ai un parcours un peu atypique, mais toujours au service de la culture. J’ai travaillé dans le cinéma puis dans la presse. Et mon désir a toujours été d’œuvrer à la rencontre entre des propositions artistiques et des publics. L’envie est venue de travailler dans une maison, pour être plus proche des artistes. J’admirais à la fois le travail et la personnalité d’Olivier Meyer. J’ai beaucoup d’estime pour ce qu’il a réussi à construire à Suresnes. Il a été un directeur présent et hospitalier dont on ressentait l’amour pour les artistes et la disponibilité pour les publics. Je l’ai d’ailleurs d’abord découvert en tant que spectatrice ! Quand Olivier m’a appelée alors qu’il cherchait une secrétaire générale, j’ai répondu présente pour embarquer dans l’aventure et je n’ai pas été déçue. J’ai connu de nombreuses situations délicates notamment la période Covid.

Enfin, quand Olivier m’a proposé de candidater pour prendre sa succession, cela m’a semblé logique de poursuivre l’aventure  qu’il avait initiée, construite et développée. Il a été convenu qu’Olivier puisse fêter la 30e édition de Suresnes Cités Danse et qu’il se retire à l’issue de la saison 2021-2022. Nous avons voulu une transmission douce et la plus constructive possible.

 

Qu’est-ce qui vous a plu dans cette aventure ?

Dès le début, j’ai senti à quel point j’étais à ma place dans ce théâtre. C’est à la fois un théâtre de ville très ancré dans son territoire et soucieux de ses publics  environnants. Mais c’est aussi un théâtre qui rayonne au-delà, non seulement grâce au festival Suresnes Cités Danse mais aussi par son action en tant que producteur et coproducteur, qui rend possible la création.

Étant une femme directrice, je m’intéresse à la place des femmes sur les plateaux.

Comment avez-vous travaillé pour la programmation de cette 31e édition de Suresnes Cités Danse ?

J’ai à cœur d’être à la fois dans la continuité et dans un renouvellement. Je suis très attentive aux liens avec certains artistes, aux histoires qui ont été construites mais aussi au rapport à nos publics. C’est pour cela qu’on retrouve dans cette édition des chorégraphes fidèles de cette maison comme Pierre Rigal dont la dernière création Hasard est présentée pour la première fois en Ile-de-France.

Aussi Salim Mzé Hamadi Moissi est un chorégraphe comorien qu’Oliver Meyer a découvert avec Soyons fous, présenté lors de la 28e édition, dont il a produit la pièce Massiwa. L’idée, en concertation avec Salim et Olivier, était de poursuivre cet accompagnement et de lui proposer de produire sa première grande forme d’une heure. Salim est en train de prouver que quelque chose est possible aux Comores en matière de création chorégraphique. Il a créé une école de danse à Moroni, Il mène une action très forte dans son pays. Sa pièce Chiromani viendra clôturer le festival. J’ai été très sensible à cette proposition dans laquelle il met en valeur la femme comorienne. Il passe encore une étape supérieure et transgresse les préjugés culturels. Il mélange les danses traditionnelles et rituelles et son langage de breaker. Étant une femme directrice, je m’intéresse à la place des femmes sur les plateaux. Mener cette aventure ensemble avait du sens à plusieurs titres.

 

Le festival s’ouvre toujours sur une création attendue. Cette année c’est Portrait de Mehdi Kerkouche…

J’en suis très heureuse ! Notamment parce que Mehdi Kerkouche est un peu comme un enfant de Suresnes Cités Danse. Le festival a joué un rôle dans l’initiation de son parcours. C’est une joie pour moi de l’accueillir, notamment avec une résidence qui a duré plusieurs semaines depuis septembre 2022. Et puis maintenant qu’il a été nommé au CCN de Créteil, cela crée des passerelles entre deux points géographiques de l’Île-de-France !

Portrait de Mehdi Kerkouche

Comme vous l’écrivez dans l’édito du programme du festival, vous avez voulu cette 31e édition “facétieuse”. Parce que l’art vivant doit aussi servir à lutter contre les difficultés du quotidien ?

Pour moi la danse est libératrice. C’est un langage très ouvert qui invite toutes les générations. C’est pour cela que le festival est aussi ponctué d’ateliers auxquels des amateurs et amatrices sont invitées à participer. La danse comme remède à la morosité. Nous avons besoin d’être en mouvement, d’être ensemble. C’est pourquoi j’avais envie d’avoir cette ligne directrice de joie, pour retrouver ce bonheur du collectif à la fois sur le plateau et, je l’espère, dans la salle. Facéties de Christian et François Ben Aïm est le spectacle qui a rendu cette ligne de programmation possible. Le geste drôle, burlesque qui génère le rire.

 

C’est vivifiant comme parti pris. Peut-être la danse se prend-elle parfois un peu trop au sérieux ?

Le lâcher-prise peut aussi amener à une esthétique construite. La joie, ce n’est pas que le divertissement pur. C’est aussi une émotion profonde qui peut modifier un état d’âme et de corps.

Je programme pour partager avec les artistes. Mais pour moi l’aventure n’est complète que quand elle se partage avec les publics.

Vous avez évoqué Olivier Meyer comme un directeur très présent, très accueillant. Et vous, quelle directrice avez-vous envie d’être ?

Tout le sens de mon métier se révèle quand les publics entrent dans la salle. J’ai toujours une excitation avant le début d’une représentation. Je programme pour partager avec les artistes. Mais pour moi l’aventure n’est complète que quand elle se partage avec les publics. Je trouve que le festival permet de réunir les générations, mais aussi des personnes initiées et non initiées. C’est un festival à la fois sérieux et accessible. L’ADN des danses urbaines donne l’impulsion pour venir découvrir ce qui est programmé. J’ai très envie de recueillir les impressions des spectateurs et spectatrices, leurs remarques pour me donner des idées dans la construction de nouveaux parcours de public.

 

Suresnes Cités Danse a joué un rôle majeur dans l’inscription des danses urbaines dans le paysage chorégraphique. Quelle est pour vous la nouvelle frontière de développement maintenant que les choses sont installées ?

L’abattage des frontières et la transdisciplinarité. Ce que je trouve intéressant c’est que des danseuses et danseurs qui sont venus de la danse hip-hop comme Jann Gallois ou Nicolas Sannier investissent d’autres univers esthétiques ou d’autres disciplines. Avec Home, Nicolas Sannier est à la frontière entre le cirque, la magie nouvelle et la danse. Mêler ces langages, ouvrir et poursuivre cette hybridation, l’emmener plus loin est plus que bénéfique. C’est aussi ce que l’on découvre avec Bounce Back de Christina Towle. Elle est allée chercher des gestes dans le sport, en l’occurrence le basket, pour nourrir son travail chorégraphique. Une esthétique nouvelle se révèle par ces rencontres et ces mélanges.

Facéties de Christian et François Ben Aïm

Comment qualifieriez-vous cette 31e édition de Suresnes Cités Danse ?

Après une édition anniversaire extraordinaire, la 31e édition est ambitieuse avec un mélange de créations et de pièces existantes. J’accorde beaucoup d’importance au fait de montrer des pièces qui tournent déjà, d’aller puiser dans le répertoire des compagnies. Facéties de Christian et François Ben Aïm est un spectacle dont on aura besoin longtemps. Je suis aussi soucieuse de proposer des spectacles à partager entre enfants, parents et grands-parents. J’ai développé une ligne de programmation durant toute la saison qui s’appelle “Les dimanches en famille”. Dans le cadre du festival, nous proposerons la pièce Landing d’Abderzak Houmi qui mêle danse et cirque. Et La boum des boumboxeurs mettra tout le monde en mouvement.

 

Quid de Cités Danse Connexions ? Vous allez continuer de soutenir la jeune génération de chorégraphes ?

Cités Danse Connexions comporte deux volets. En ce qui concerne l’accompagnement des jeunes chorégraphes, nous avons soutenu Amalia Salle dans la création de sa compagnie et dans la création d’Affranchies, sa première pièce. J’ai découvert quinze minutes d’un travail intitulé Les Vivaldines il y a un an dans le cadre du festival Kalypso. J’ai eu un choc esthétique. Et le sens de la pièce m’a bouleversée. Le désir d’Amalia était de poursuivre son travail pour aboutir à une pièce d’une heure. C’est d’ailleurs le théâtre de Suresnes qui portera la diffusion de son spectacle. Je suis infiniment fière du travail d’Amalia et de ses cinq danseuses. Je programme aussi les trois premières pièces courtes de la chorégraphe et interprète Leila Ka pour permettre à nos publics de la découvrir. Et nous serons un des coproducteurs et programmateurs de sa première forme longue l’année prochaine.

Quant au deuxième volet, nous poursuivons le travail pédagogique que nous menons avec neuf classes des Hauts-de-Seine, soit 20 heures d’ateliers par classe sur une année scolaire et quatre spectacles au théâtre. Les deux volets de Cités Danse Connexions fonctionnent de façon indépendante mais ont des points de rencontres. C’est formateur pour des interprètes et des chorégraphes de se confronter à la pédagogie, à l’action culturelle en milieu scolaire.

Affranchies de Amalia Salle

Avant de rejoindre le théâtre de Suresnes, quelle spectatrice étiez-vous ?

Frénétique ! J’ai grandi entre deux montagnes dans les Alpes de Haute Provence, dans une région assez éloignée de la culture. Le théâtre de la Passerelle à Gap se situait à soixante kilomètres chez moi. Maman prenait un abonnement et nous nous y rendions régulièrement. Je garde de ces premiers spectacles des souvenirs très précieux comme pour mon premier Giselle à l’Opéra de Paris. C’est pourquoi en tant que directrice, j’ai à cœur de cultiver la rencontre entre la danse et le jeune public.

Festival Suresnes Cités Danse – Du 6 janvier au 5 février au Théâtre Jean Vilar de Suresnes.

 



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