Beyond – Compagnie Circa
La dernière fois que j’avais croisé le chemin de Circa, troupe australienne et circassienne d’excellence, c’était il y a plus de quatre ans pour Wunderkammer. L’ambiance cabaret se voulait séduisante et la technique était là, mais le ton un peu froid et torturé m’avait laissée dubitative. Beyond, autre spectacle de la troupe qui a beaucoup tourné en France cet automne, est d’une autre trempe. On y retrouve aussi les codes du cabaret – rideau rouge et dentelle – et les numéros de voltige de haute volée. Mais l’ambiance est tout autre : décalée, drôle, rêveuse, nonchalante un peu, poétique beaucoup. Et une bande-son succulente. De quoi se laisser séduire par cette troupe qui se révèle attachante.
En français, Beyond peut se traduire par “Au-delà des frontières”. Frontière entre l’être humain et l’animal, entre la raison et la folie, entre la réalité et le rêve. À vrai dire, cette ligne conductrice ne convainc pas vraiment. Bien sûr, il y a un lapin géant qui intervient dans un numéro, et qui nous fait bien penser que la réalité de Circa n’est pas tout à fait la même que la nôtre. Mais peut-on vraiment parler de réflexion sur les frontières floues des genres ? Pas vraiment. D’autant plus que la forme du spectacle reste relativement traditionnelle, avec des numéros qui s’enchaînent, un parti-pris d’ailleurs totalement assumé. Mais finalement, l’essentiel n’est pas là. Beyond se déguste autrement, plus simplement peut-être, mais d’une façon qui n’en est pas moins enthousiasmante.
Trapèze, mât chinois, contorsions… Toutes les disciplines de l’acrobatie circassienne y passent, portées par des interprètes virtuoses à qui rien ne semble impossible. Même si chacun, bien sûr, exécute son numéro avec un air nonchalant, l’air de dire “Oh mais moi, vous savez, la gravité, elle m’importe peu“. Le twist arrive par petite touche de surprise, aussi bien par une femme qui joue le rôle de porteuse pour un homme (combinaison que l’on voit peu, sinon jamais) que par l’apparition d’un ours en peluche gigantesque qui prend la place d’un contorsionniste. Il y a quelques plumes, un gentil jeu sadomaso. Et le charme du surréalisme arrive sans que l’on y prenne garde, sans s’être annoncé, mais parsemant le spectacle de paillettes et de magie. Beyond fait sourire, puis intrigue, surprend, amuse et émeut, pour nous re-déposer doucement dans la réalité avec malice.
Beyond de Yaron Lifschitz et Circa, par la compagnie Circa, au Radiant-Bellevue. Avec Jessica Connell, Timothy Fyffe, Rowan Heydon-White, Conor Neall, Kathryn O’Keeffe, Seppe Van Looveren et Billie Wilson-Coffey. Mardi 24 janvier 2017.