Une Année à l’Académie Princesse Grace – Bilan d’une saison avec Minji Nam et Yuka Matsumoto
Après le spectacle, il est temps de clôturer notre série Une Année à l’Académie Princesse Grace, école de danse que nous avons suivie toute cette saison à travers la promotion des diplômé.e.s, qui rentrent dès septembre dans la vie professionnelle. Minji Nam et Yuka Matsumoto, qui en font partie, nous dressent le bilan de cette année, et plus globalement de ces quatre ans de formation. Pour ces deux grandes timides, ces derniers mois ont été très importants pour apprendre à dévoiler leur âme d’artiste. Une étape qui a aussi été formatrice pour leur directeur Luca Masala, toujours soucieux de mieux comprendre ces jeunes élèves.
En ce mois de juin qui se termine, il règne une atmosphère de fin d’année à l’Académie Princesse Grace de Monaco. Le premier spectacle est passé, les parents sont là. Le lendemain, il sera temps pour chacun.e de faire ses valises. C’est dans cette atmosphère de début de vacances teintée d’une petite nostalgie que la coréenne Minji Nam fait le bilan de son année. Une saison marquée pour elle par le Prix de Lausanne, “à la fois mon meilleur et mon plus difficile souvenir“, explique-t-elle. La jeune danseuse a été en finale mais n’a rien rapporté, contrairement à son camarade Shale Wagman qui remportait la première place. “Lausanne, ça a été une expérience extraordinaire, j’ai tellement grandi pendant cette semaine, et pendant toute cette préparation. J’ai beaucoup changé. Et j’ai appris à ne pas trop penser qu’aux corrections une fois en scène, mais surtout à être moi“. Une fois le rideau baissé après la finale, la déception se lisait clairement sur le visage de l’apprentie danseuse. Mais le nuage s’est vite dissipé. “Lausanne n’a pas été un mauvais moment, mais quelque chose de difficile, oui. J’étais bien sûr déçue après la finale. Et ça a été difficile physiquement, même si mon mental est resté bon“, explique Minji Nam. “Mais j’ai eu mon contrat pour le Ballet de Stuttgart juste après, ma tristesse s’est envolée“.
En regardant en arrière, Minji Nam sourit en repensant à la jeune fille qu’elle était à 14 ans en arrivant à l’Académie Princesse Grace. “À l’époque, je n’aurais pu imaginer combien j’allais évoluer, je suis une personne si différente maintenant“, explique-t-elle. Cette grande timide a en effet dû lutter pour arriver à exprimer pleinement sa danse et à sortir de sa coquille. “Maintenant, j’ai trouvé ma personnalité, je me suis trouvée, moi. J’étais très fermée il y a quatre ans“. Une impression confirmée par son directeur, Luca Masala : “Cette année, c’était enfin la naissance de Minji ! Elle vient de très loin. J’ai toujours trouvé qu’elle avait quelque chose de très spécial, mais qu’elle n’arrivait pas à le sortir“. Il l’a poussée à se présenter au Prix de Lausanne pour que cela lui serve l’électrochoc. “Avant la demi-finale, je lui ai dit : ‘Tu es au bord du tremplin. Soit tu restes sur place, soi tu sautes et tu prends le risque’. Et elle a pris le risque“. Une satisfaction d’autant plus importante qu’aux yeux de Luca Masala, Minji a “l’aura d’une grande interprète“.
Vaincre une trop grande timidité a aussi été le grand défi de la japonaise Yuka Matsumoto pendant ses années de formation à l’Académie Princesse Grace. “Les premiers mois ont été compliqués. Je ne parlais pas anglais, je me trouvais mauvaise et je me demandais ce que je faisais là. Je suis assez fière d’avoir tenu !“, se souvient-elle. Pour elle aussi sortir de sa coquille a été son gros progrès. Yuka a appliqué les conseils de ses professeur.e.s. : “Travailler ce que l’on a à l’intérieur de soi et apprendre à le projeter à l’extérieur. Si l’on y croit à l’intérieur, cela se voit. Il a fallu que je force ma nature. J’aime être en scène, mais c’est difficile d’y aller ! J’ai appris à m’ouvrir, à penser au public. Petit à petit, je me suis ouverte, même si je sais que je peux faire plus. C’est vraiment la chose la plus importante que j’ai apprise cette année“.
Du point de vue de Luca Masala, “Yuka ne manque pas d’ambition. Mais, lorsqu’un.e un chorégraphe vient, elle ne se met pas en avant de peur de gêner les autres. Elle devait comprendre ce qu’on voulait. Aujourd’hui, elle s’est ouverte, même si elle peut faire plus. Elle a en tout cas tous les instruments de base pour entrer dans une compagnie, faire face aux difficultés, s’ouvrir aux autres. Et se rappeler les mots qu’elle a eus ici en cas de coup dur pour savoir comment changer“. Malgré ce défi personnel qui ne fut pas facile, la jeune danseuse ne voit pas cependant de moments vraiment mauvais en regardant en arrière de ces quatre années monégasques. “Bien sûr, il y a eu des moments difficiles. Mais on se reprend. Les ami.e.s, les professeur.e.s, notre directeur nous remettent dans le droit chemin“. Le meilleur moment de l’année est plus facile à trouver : “C’est quand j’ai décroché mon contrat professionnel au Ballet de Berlin. Je ne m’y attendais pas. J’avais passé une audition sans succès pour une autre troupe, alors avoir le contrat était une bonne nouvelle“.
Si les deux jeunes filles ont beaucoup évolué durant ces quatre ans, leurs rêves ne se sont pas forcément transformés. “Il y a quatre ans, je rêvais déjà de danser en Europe dans une grande compagnie historique comme le Royal Ballet ou le Ballet de Stuttgart“, explique Minji Nam. “Au cours des mois, cela a pu évoluer, j’ai parfois changé d’avis, surtout parce que je pensais que je ne pouvais pas atteindre ces troupes. Mais au final, aujourd’hui, mes rêves sont les mêmes“. La jeune danseuse part à Stuttgart la saison prochaine. Et rêve un jour de danser La Dame aux camélias. “Je rêve de ce rôle depuis que je suis toute petite, tant de si grandes Étoiles se sont emparées de ce rôle !“. Même réflexion pour Yuka Matsumoto : “Mes rêves n’ont pas forcément beaucoup évolué. Il y a quatre ans, je voulais être une ballerine professionnelle. Aujourd’hui, j’ai eu un contrat, le rêve se réalise“.
Pour Luca Masala aussi, cette fin d’année est l’occasion de revenir quatre ans en arrière, quand il a découvert cette promotion. Et de se souvenir. “Shale, au tout début, je ne pensais pas qu’il tiendrait. Au Canada, il était une petite star. Ici, il était comme tout le monde, il devait venir préparer le petit-déjeuner, ne pas se réveiller trop tard. Je devais lui confisquer son téléphone le soir pour qu’il n’aille pas sur Internet pendant la nuit. Mais quand il a démarré sa deuxième année, je savais que c’était bon“. Et de se remémorer de l’évolution qu’il projetait pour ses élèves il y a quatre ans. Minji, Natatia, Martino ou Ivana sont allées bien plus loin que ce qu’il imaginait. “Cette promotion m’a appris à les écouter, vraiment“, explique le directeur de l’Académie. “Au début, j’étais frustré de voir ce groupe de gamins qui ne pensaient qu’à eux-mêmes. Mais ils m’ont rappelé la fragilité que l’on peut avoir à cet âge. Le plus beau cadeau que l’on puisse faire à un jeune aujourd’hui, c’est de savoir l’écouter. Savoir lui parler, mais surtout de savoir l’écouter. Les élèves savent qu’ils peuvent tous nous dire, leurs frustrations, leurs doutes, que cela ne va pas les pénaliser“.
Le plus beau cadeau que l’on puisse faire à un jeune aujourd’hui, c’est de savoir l’écouter. Savoir lui parler, mais surtout de savoir l’écouter.
Pour leur vie professionnelle, Minji et Yuka gardent précieusement les conseils reçus lors de cette dernière année. “S’ouvrir, s’ouvrir, s’ouvrir. Quand je serais dans une compagnie, si je ne me pousse pas moi-même, on ne me verra pas, on ne me trouvera pas“, résume Yuka. Pour Minji, “la chose la plus importante que j’ai apprise cette année, c’est de croire en moi. Et, que quand je danse, de ne pas penser à autre chose qu’à être moi-même“. C’était d’ailleurs l’un des défis de Luca Masala. “Nous devons arriver à leur montrer comment arriver à leur but en utilisant d’autres routes que celles du voisin“, explique-t-il. “Quand Martino se retrouve à côté de Shale, qui a gagné le Prix de Lausanne, qui a tellement de facilités, il faut arriver à lui faire comprendre tout ce qu’il a, lui“. Et de se remémorer une anecdote après l’examen. “Yuria a eu 17. Elle m’a demandé comment arriver à 20. Je lui ai dit qu’elle partait de l’Académie non pas comme un 17, mais comme Yuria, et c’est le plus important“.
Pour cette fin de formation, chaque diplômé.e. a laissé à Luca Masala une vidéo où ils et elles racontant leurs années à l’Académie Princesse Grace et laissent un petit message pour leur directeur. Lui leur a donné quelques derniers conseils. Dont à ses yeux le plus important : “Prenez votre cours de danse. Chaque matin. Même si vous êtes fatigués, même si vous êtes sortis la veille, prenez la classe. Et quand votre compagnie vous propose un cours facultatif, faites-le ! On ne sait pas comment va être leur première année en compagnie. Certain.e.s vont faire beaucoup de spectacles, d’autres moins. La classe, ça peut être la chose qu’ils vont le plus faire la saison prochaine“.
À la rentrée, l’Académie Princesse Grace va fonctionner un peu différemment. Il y aura trois garçons diplômés, et c’est tout. “Les quatre filles en troisième année sont très jeunes, 16 ans. Elles ont montré des faiblesses physiques ou psychologiques. Elles ne sont pas prêtes pour être diplômées à la fin de l’année. Elles restent donc dans leur classe et elles étaient d’accord avec ça“. Il y aura par contre deux groupes de première année chez les filles. Quelques spectacles supplémentaires aussi, et pourquoi pas des ateliers chorégraphiques avec des personnes extérieures du monde de la danse. Des diplômé.e.s 2018 goûteront pour leur part à leur première saison en tant que danseur et danseuses professionnel.le. English National Ballet, Ballet de Berlin, Ballet de Zurich, Ballet de Norvège et Ballet de Stuttgart, leur cheminement sera à suivre à travers toute l’Europe.