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[Nuits de Fourvière] Threshold – Le Patin libre

Voilà deux ans que la France a découvert le Patin libre, cette jeune troupe venue du Québec qui révolutionne le patin, avec ses spectacles de danse contemporaine sur glace. Après Vertical Influences qui entamait cette recherche sur cette nouvelle façon de bouger, et Confidences misant plus sur l’humour et l’autobiographie, le Patin libre revient avec Threshold (seul), présenté aux Nuits de Fourvière. Soit une danse sur glace superbe qui a énormément évolué depuis deux ans, bien plus aboutie, mais un manque d’une ligne dramaturgique – contrairement aux précédents spectacles – qui a freiné l’intensité de la pièce.

Threshold – Le Patin libre

Aller voir le Patin libre, c’est déjà tout un processus. En plein mois de juin, il faut penser à la polaire, aux chaussures fermées, à l’écharpe en laine et aux gants pour tenir sans trop souffrir pendant 1h15 dans une patinoire où l’air ambiant frôle difficilement les 13 degrés. C’est aussi une nouvelle façon d’appréhender le lieu : pas de cris d’enfants ou de musique pour rythmer les tours de patinoire, mais une lumière bleutée et une glace lumineuse, alors que le public s’installe des deux côtés de la largeur. Threshold part de là où Vertical Influences s’était arrêté. Et l’on est soufflé, dès les premières minutes, par l’aboutissement de ce travail chorégraphique. Dans la pièce précédente, le groupe de cinq patineurs et patineuses étaient en train d’apprivoiser cette longueur de champ, cette façon de danser sur la glisse. On y percevait leurs différentes influences : le patin, la danse contemporaine, le hip hop, le patinage artistique, qui s’entrechoquaient parfois et avaient du mal à se mélanger. Avec Threshold, l’alchimie se fait. Indice qui ne trompe pas : contrairement à Vertical Influences, le public n’applaudit plus face à une virtuosité, le liant s’est mis en place. 

Et c’est un ballet aussi mystérieux et séduisant qui se met en place. Les cinq du Patin libre jouent avec le groupe, avec la glace, avec le bruit du patin, avec la lumière. Ils démarrent groupés puis se dispersent. L’un prend le lead pour donner une nouvelle dynamique de glisse, le passe à sa voisine. Ils arrivent de face à pleine vitesse, puis jouent sur la verticalité. Ils s’amusent à glisser sans donner l’impression d’une quelconque force, comme si le corps se balançait sans effort, avant de partir dans un nouvel élan. Cette danse contemporaine sur glace est à la fois superbe et surprenante, qui apparaît ici comme l’aboutissement d’une longue recherche chorégraphique. Qui semble toutefois s’être faite au détriment d’une recherche sur la dramaturgie. 

Threshold – Le Patin libre

Threshold ressemble ainsi à certaines de ces pièces de danse contemporaine, où l’on a l’impression que le tout pourrait durer 20 minutes de moins ou 40 de plus que cela ne changerait pas grand-chose. Le Patin libre a du métier : le spectacle enchaîne les différentes ambiances et énergies avec efficacité qui évite l’ennuie. Mais il manque un enjeu, un climax, une ligne ou une trame qui monte et qui descende. Le choix de la musique, relativement monotone, n’aide pas forcément. Il est d’ailleurs curieux de constater que, si Threshold mêle beaucoup d’éléments du spectacle (le bruit de la glisse, le dessin des lames sur la glace, les superbes lumières), la pièce ne fait pas forcément un immense travail sur la musique. Ce manque est finalement surprenant. Car dans Vertical Influences, et surtout dans Confidences même si le format s’y prêtait plus facilement, la troupe a montré qu’elle était conscience de ces enjeux dramaturgiques, et savait les manier avec un certain humour. 

N’empêche que Threshold garde un parfum séduisant de la nouveauté, et d’un courant qui n’a pas fini d’explorer de nouvelles pistes. Ces cinq interprètes ont une démarche profondément honnête et sensible, voulant à la fois évoluer en tant qu’artistes mais aussi interpeller le public, lui faire passer un beau moment de spectacle. À la fin du show, ils et elle attendent d’ailleurs sur leurs patins les spectateurs et spectatrices à la sortie, qui se débarrassent de leurs écharpes et bonnets face à la chaleur de l’été retrouvé. La chasse aux compliments ? Même pas, juste l’envie de dire au revoir en personne à ceux et celles qui ont rempli les gradins. Une troupe que l’on a décidément envie de continuer de suivre. 

Threshold – Le Patin libre

 

Threshold du Patin libre à la Patinoire Charlemagne de Lyon, dans le cadre des Nuits de Fourvière. De et avec Alexandre Hamel, Pascale Jodoin, Samory Ba, Jasmin Boivin et Taylor Dilley. Jeudi 14 juin 2018. À voir jusqu’au 19 juin. Les Nuits de Fourvière continuent jusqu’au 28 juillet.

 

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